Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/212

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avait deviné rétrospectivement la vie du vieillard, de cet enfant et de la mère. Il pressentit ou entrevit la vérité, que les discours de la baronne de Mergi lui dévoilèrent, et il en résultait, chez lui comme une sorte de bienveillance pour ses nouveaux clients ; car, du respect ou de l’admiration, il en était incapable.

— Hé bien ! mon cher garçon, répondit-il familièrement au jeune baron, je vous garde votre mère, et je vous la rendrai jeune, belle et bien portante. C’est une de ces malades rares auxquelles les médecins s’intéressent ; d’ailleurs, c’est, par sa mère, une compatriote à moi ! Vous et votre grand-père, ayez le courage de rester deux semaines sans voir madame…

— La baronne Mergi…

— Si elle est baronne, vous êtes baron ?… demanda Halpersohn.

En ce moment le vol était accompli. Pendant que le médecin regardait sa mouillette alourdie par le chocolat, Auguste avait saisi quatre billets pliés et les avait mis dans la poche de son pantalon, en ayant l’air d’y fourrer la main par convenance.

— Oui, monsieur, je suis baron. Mon grand-père est baron aussi ; il était procureur-général sous la Restauration.

— Vous rougissez, jeune homme, il ne faut pas rougir d’être pauvre et baron, c’est fort commun.

— Qui vous a dit, monsieur, que nous sommes pauvres ?

— Mais votre grand-père m’a dit avoir passé la nuit dans les Champs-Élysées ; et, quoique je ne connaisse pas de palais où il se trouve d’aussi belle voûte que celle qui brillait à deux heures du matin, je vous assure qu’il faisait froid dans le palais où se promenait votre grand-père. On ne choisit pas par goût l’hôtel de la Belle-Étoile…

— Mon grand-père sort d’ici ? reprit Auguste, qui saisit cette occasion de faire retraite ; je vous remercie, monsieur, et je viendrai, si vous le permettez, savoir des nouvelles de ma mère.

Aussitôt sorti, le jeune baron alla chez l’huissier en prenant un cabriolet pour s’y rendre plus promptement, et il paya la dette de son grand-père. L’huissier remit les pièces, et le mémoire des frais acquittés, puis il dit au jeune homme de prendre un de ses clercs avec lui pour qu’il relevât le gardien judiciaire de ses fonctions.

— D’autant plus que messieurs Barbet et Métivier demeurent dans votre quartier, ajouta-t-il ; mon jeune homme ira leur porter les fonds, et leur dire de vous rendre l’acte de réméré…