Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/218

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Godefroid, jaloux de se montrer digne de ses amis, n’avait pas fait une seule question relative au baron Bourlac ; car, n’en entendant pas dire un mot, ne trouvant rien dans les écritures qui concernât cette affaire, il regarda le silence gardé sur la famille des deux bourreaux de madame de La Chanterie ou comme une épreuve à laquelle on le soumettait, ou comme une preuve que les amis de cette femme sublime l’avaient vengée.

En effet, il était allé, deux mois après, en se promenant, jusqu’au boulevard Montparnasse, il avait su rencontrer la veuve Vauthier, et il lui avait demandé des nouvelles de la famille Bernard.

— Est-ce qu’on sait, mon cher monsieur Godefroid, où ces gens-là sont passés !… Deux jours après votre expédition, car c’est vous, finaud, qui avez soufflé l’affaire à mon propriétaire, il est venu du monde qui nous a débarrassé de ce vieux fiérot-là. Bah ! l’on a tout déménagé en vingt-quatre heures, et, ni vu, ni connu ! Personne ne m’a voulu dire un mot. Je crois qu’il est parti pour Alger avec son brigand de petit-fils ; car Népomucène, qui avait un faible pour ce voleur, et qui ne vaut pas mieux que lui, ne l’a pas trouvé à la Conciergerie, et lui seul sait où ils sont, le gredin m’ayant plantée là… Élevez donc des enfants trouvés !… Voilà comme ils vous récompensent, ils vous mettent dans l’embarras. Je n’ai pas encore pu le remplacer ; et, comme le quartier gagne beaucoup, la maison est toute louée, je suis écrasée de travail.

Jamais Godefroid n’aurait rien su de plus sur le baron Bourlac, sans le dénoûment qui se fit de cette aventure, par suite d’une de ces rencontres comme il s’en fait à Paris.

Au mois de septembre, Godefroid descendait la grande avenue des Champs-Élysées, et il pensait au docteur Halpersohn, en passant devant la rue Marbœuf.

— Je devrais, se dit-il, aller le voir pour savoir s’il a guéri la fille de Bourlac !… Quelle voix ! quel talent elle avait !… Elle voulait se consacrer à Dieu !

Parvenu au rond-point, Godefroid le traversa promptement à cause des voitures qui descendaient avec rapidité, et il heurta dans l’allée un jeune homme qui donnait le bras à une jeune dame.

— Prenez donc garde ! s’écria le jeune homme, êtes-vous donc aveugle ?

— Hé ! c’est vous ! répondit Godefroid en reconnaissant Auguste de Mergi dans ce jeune homme.