Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de bois ou d’étain, des plats en terre brune au dehors et blanche en dedans, mais écaillés et raccommodés avec des attaches ; enfin, autour d’une table solide, des chaises en bois blanc, et pour plancher de la terre battue. Tous les cinq ans, les murs recevaient une couche d’eau de chaux, ainsi que les maigres solives du plafond auxquelles pendent du lard, des bottes d’ognons, des paquets de chandelles et les sacs où le paysan met ses graines ; auprès de la huche une antique armoire en vieux noyer garde le peu de linge, les vêtements de rechange et les habits de fête de la famille.

Sur le manteau de la cheminée, brillait un vrai fusil de braconnier, vous n’en donneriez pas cinq francs, le bois est quasi brûlé, le canon, sans aucune apparence, ne semble pas nettoyé. Vous pensez que la défense d’une cabane à loquet, dont la porte extérieure pratiquée dans le palis, n’est jamais fermée, n’exige pas mieux, et vous vous demandez presque à quoi peut servir une pareille arme. D’abord, si le bois est d’une simplicité commune, le canon, choisi avec soin, provient d’un fusil de prix, donné sans doute à quelque garde-chasse. Aussi, le propriétaire de ce fusil ne manque-t-il jamais son coup, il existe entre son arme et lui l’intime connaissance que l’ouvrier a de son outil. S’il faut abaisser le canon d’un millimètre au-dessous ou au-dessus du but, parce qu’il relève ou tombe de cette faible estime, le braconnier le sait, il obéit à cette loi sans se tromper. Puis, un officier d’artillerie trouverait les parties essentielles de l’arme en bon état : rien de moins, rien de plus. Dans tout ce qu’il s’approprie, dans tout ce qui doit lui servir, le paysan déploie la force convenable, il y met le nécessaire et rien au delà. La perfection extérieure, il ne la comprend jamais. Juge infaillible des nécessités en toutes choses, il connaît tous les degrés de force, et sait, en travaillant pour le bourgeois, donner le moins possible pour le plus possible. Enfin, ce fusil méprisable entre pour beaucoup dans l’existence de la famille, et vous saurez tout à l’heure comment.

Avez-vous bien saisi les mille détails de cette hutte assise à cinq cents pas de la jolie porte des Aigues ? La voyez-vous accroupie là, comme un mendiant devant un palais ? Eh ! bien, son toit chargé de mousses veloutées, ses poules caquetant, le cochon qui vague, toutes ses poésies champêtres avaient un horrible sens. A la porte du palis, une grande perche élevait à une certaine hauteur un bouquet flétri, composé de trois branches