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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/265

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en Piémont et en Lombardie, de l’herbe en hiver. Ces prairies, nommées en Italie marciti, ont une grande valeur ; mais en France, il ne leur faut ni trop grandes glaces ni trop de neige. Ce phénomène est dû sans doute à une exposition particulière, à des infiltrations d’eaux qui conservent une température chaude.

Les deux veaux produisaient environ quatre-vingts francs. Le lait, déduction faite du temps où les vaches nourrissaient ou vélaient, rapportait environ cent soixante francs, et pourvoyait en outre aux besoins du logis en fait de laitage. Tonsard gagnait une cinquant(ain)e d’écus en journées faites de côté et d’autre. La cuisine et le vin vendu donnaient tous les frais déduits une centaine d’écus, car ces régalades essentiellement passagères venaient en certains temps et pendant certaines saisons ; d’ailleurs les gens à régalades prévenaient la Tonsard et son mari, qui prenaient alors à la ville le peu de viande et de provisions nécessaires. Le vin du clos de Tonsard était vendu année commune, vingt francs le tonneau, sans fût, à un cabaretier de Soulanges avec lequel Tonsard entretenait des relations. Par certaines années plantureuses, Tonsard récoltait douze pièces dans son arpent ; mais la moyenne était de huit pièces, et Tonsard en gardait moitié pour son débit. Dans les pays vignobles, le glanage des vignes constitue le hallebotage. Par le hallebotage, la famille Tonsard recueillait trois pièces de vin environ. Mais à l’abri sous les usages, elle mettait peu de conscience dans ses procédés, elle entrait dans les vignes avant que les vendangeurs n’en fussent sortis ; de même qu’elle se ruait sur les champs de blé quand les gerbes amoncelées attendaient les charrettes. Ainsi les sept ou huit pièces de vin, tant halleboté que récolté, se vendaient à un bon prix. Mais sur cette somme, le Grand-I-Vert réalisait des pertes provenant de la consommation de Tonsard et de sa femme, habitués tous deux à manger les meilleurs morceaux, à boire du vin meilleur que celui qu’ils vendaient et fourni par leur correspondant de Soulanges, en paiement du leur. L’argent gagné par cette famille allait donc à environ neuf cents francs, car ils engraissaient deux cochons par an, un pour eux, un autre pour le vendre.

Les ouvriers, les mauvais garnements du pays prirent à la longue en affection le cabaret du Grand-I-Vert, autant à cause des talents de la Tonsard, que de la camaraderie existant entre cette famille et le menu peuple de la vallée. Les deux filles, toutes deux