Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/27

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comme du chanvre et du fer : ils sont rouis. La science et la justice, le public cherchent mille causes aux terribles catastrophes causées sur les chemins de fer, par la rupture d’une barre de fer, et dont le plus affreux exemple est celui de Bellevue ; mais personne n’a consulté les vrais connaisseurs en ce genre, les forgerons, qui ont tous dit le même mot : « Le fer était roui ! » Ce danger est imprévisible. Le métal devenu mou, le métal resté résistant, offrent la même apparence.

C’est dans cet état que les confesseurs et les juges d’instruction trouvent souvent les grands criminels. Les sensations terribles de la cour d’assises et celles de la toilette déterminent presque toujours chez les natures les plus fortes cette dislocation de l’appareil nerveux. Les aveux s’échappent alors des bouches les plus violemment serrées ; les cœurs les plus durs se brisent alors ; et, chose étrange ! au moment où les aveux sont inutiles, lorsque cette faiblesse suprême arrache à l’homme le masque d’innocence sous lequel il inquiétait la justice, toujours inquiète lorsque le condamné meurt sans avouer son crime.

Napoléon a connu cette dissolution de toutes les forces humaines sur le champ de bataille de Waterloo !

À huit heures du matin, quand le surveillant des pistoles entra dans la chambre où se trouvait Jacques Collin, il le vit pâle et calme, comme un homme redevenu fort par un violent parti pris.

— Voici l’heure d’aller au préau, dit le porte-clefs, vous êtes enfermé depuis trois jours, si vous voulez prendre l’air et marcher, vous le pouvez !

Jacques Collin, tout à ses pensées absorbantes, ne prenant aucun intérêt à lui-même, se regardant comme un vêtement sans corps, comme un haillon, ne soupçonna pas le piège que lui tendait Bibi-Lupin, ni l’importance de son entrée au préau. Le malheureux, sorti machinalement, enfila le corridor qui longe les cabanons pratiqués dans les corniches des magnifiques arcades du palais des rois de France, et sur lesquelles s’appuie la galerie dite de Saint-Louis, par où l’on va maintenant aux différentes dépendances de la cour de Cassation. Ce corridor rejoint celui des pistoles ; et, circonstance digne de remarque, la chambre où fut détenu Louvel, l’un des plus fameux régicides, est celle située à l’angle droit formé par le coude des deux corridors. Sous le joli cabinet qui occupe la tour Bonbec se trouve un escalier en colimaçon auquel aboutit ce