Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/353

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la punition des grands crimes ont lieu certainement ; mais, en dehors de certaines nécessités reconnues, toutes les dispositions législatives qui touchent aux mœurs, aux intérêts, à certains abus sont complètement abolies par un mauvais gré général. Et, au moment où cette Scène se publie, il est facile de reconnaître cette résistance, contre laquelle s’est jadis heurté Louis XIV en Bretagne, en voyant les faits déplorables que cause la loi sur la chasse. On sacrifiera, par an, la vie de vingt ou trente hommes peut-être pour sauver celle de quelques bêtes.

En France, pour vingt millions d’êtres, la loi n’est qu’un papier blanc affiché sur la porte de l’Église, ou à la Mairie. De là, le mot les papiers employé par Mouche comme expression de l’Autorité. Beaucoup de maires de canton (il ne s’agit pas encore des maires de simples communes), font des sacs à raisin ou à graines avec les numéros du Bulletin des Lois. Quant aux simples maires de communes, on serait effrayé du nombre de ceux qui ne savent ni lire ni écrire, et de la manière dont sont tenus les actes de l’État civil. La gravité de cette situation, parfaitement connue des administrateurs sérieux, diminuera sans doute ; mais ce que la centralisation contre laquelle on déclame tant, comme on déclame en France contre tout ce qui est grand, utile et fort, n’atteindra jamais ; mais la puissance contre laquelle elle se brisera toujours, est celle contre laquelle allait se heurter le général, et qu’il faut nommer la Médiocratie.

On a beaucoup crié contre la tyrannie des nobles, on crie aujourd’hui contre celle des financiers, contre les abus du pouvoir qui ne sont peut-être que les inévitables meurtrissures du joug social appelé Contrat par Rousseau, Constitution par ceux-ci, Charte par ceux-là, ici Czar, là Roi, Parlement en Angleterre ; mais le nivellement commencé par 1789 et repris en 1830 a préparé la louche domination de la bourgeoisie, et lui a livré la France. Un fait, malheureusement trop commun aujourd’hui, l’asservissement d’un canton, d’une petite ville, d’une sous-préfecture par une famille ; enfin, le tableau de la puissance qu’avait su conquérir Gaubertin en pleine Restauration, accusera mieux ce mal social que toutes les affirmations dogmatiques. Bien des localités opprimées s’y reconnaîtront, bien des gens sourdement écrasés trouveront ici ce petit Ci-Gît public qui parfois console d’un grand malheur privé.