Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/429

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La place, d’une assez grande largeur, est bordée de constructions originales toutes de diverses époques. Beaucoup, moitié bois, moitié briques, et dont les solives ont un gilet d’ardoises, remontent au moyen-âge. D’autres en pierres et à balcon, montrent ce pignon si cher à nos aïeux, et qui date du douzième siècle. Plusieurs attirent le regard par ces vieilles poutres saillantes à figures grotesques, dont la saillie forme un auvent, et qui rappelle le temps où la bourgeoisie était uniquement commerçante. La plus magnifique est l’ancien bailliage, maison à façade sculptée, en alignement avec l’église qu’elle accompagne admirablement. Vendue nationalement, elle fut achetée par la commune, qui en fit la mairie et y mit le tribunal de paix, où siégeait alors monsieur Sarcus, depuis l’institution du juge-de-paix.

Ce léger croquis permet d’entrevoir la place de Soulanges, ornée au milieu d’une charmante fontaine rapportée d’Italie, en 1520, par le maréchal de Soulanges, et qui ne déshonorerait pas une grande capitale. Un jet d’eau perpétuel, provenant d’une source située en haut de la colline, est distribué par quatre Amours en marbre blanc tenant des conques et couronnés d’un panier plein de raisins.

Les voyageurs lettrés qui passeront par là, si jamais il en passe après Blondet, pourront y reconnaître cette place illustrée par Molière et par le théâtre espagnol, qui régna si longtemps sur la scène française, et qui démontrera toujours que la comédie est née en de chauds pays, où la vie se passait sur la place publique. La place de Soulanges rappelle d’autant mieux cette place classique, et toujours semblable à elle-même sur tous les théâtres, que les deux premières rues la coupant précisément à la hauteur de la fontaine, figurent ces coulisses si nécessaires aux maîtres et aux valets pour se rencontrer ou pour se fuir. Au coin d’une de ces rues, qui se nomme la rue de la Fontaine, brillent les panonceaux de maître Lupin. La maison Sarcus, la maison du percepteur Guerbet, celle de Brunet, celle du greffier Gourdon et de son frère le médecin, celle du vieux monsieur Gendrin-Vattebled, le garde-général des eaux et forêts. Ces maisons, tenues très-proprement par leurs propriétaires, qui prennent au sérieux le surnom de leur ville, sont sises aux alentours de la place, le quartier aristocratique de Soulanges.

La maison de madame Soudry, car la puissante individualité