Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/498

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au vert, ils ont besoin de se brosser leurs taches de boue, de panser leurs blessures. Aux Aigues, Emile Blondet était sans esprit, il ne disait pas une épigramme, il avait une douceur d’agneau, il était d’un platonique suave.

— C’est un bon jeune homme, il me manque quand il n’est pas là, disait le général. Je voudrais bien qu’il fît fortune, et ne menât pas sa vie de Paris…

Jamais le magnifique paysage et le parc des Aigues n’avait été plus voluptueusement beau qu’il l’était alors. Aux premiers jours de l’automne, au moment où la terre, après son accouchement, débarrassée de ses productions exhale d’admirables odeurs végétales, les bois surtout sont délicieux, ils commencent à prendre ces teintes de vert bronzé, chaudes couleurs de terre de Sienne, qui composent les belles tapisseries sous lesquelles ils se cachent comme pour défier le froid de l’hiver.

La nature pimpante et piquante comme une brune au printemps, devient mélancolique et douce comme une blonde, les gazons se dorent, les fleurs d’automne poussent leurs pâles corolles, ce n’est plus les marguerites qui percent les pelouses de leurs yeux blancs, mais de rares calices violâtres, le jaune abonde, les ombrages sont plus foncés, le soleil plus oblique déjà y glisse des lueurs orangées, et furtives, de longues traces lumineuses qui s’en vont vite comme les robes traînantes des femmes qui disent adieu.

Le second jour après son arrivée, un matin Emile était à la fenêtre de sa chambre qui donnait sur une de ces terrasses à balcons modernes d’où l’on découvrait une belle vue. Ce balcon régnait le long des appartements de la comtesse, sur la face qui regardait les forêts et le paysage de Blangy. L’étang, qu’on eût nommé un lac si les Aigues avaient été plus près de Paris se voyait un peu, ainsi que son long canal, la source venue du pavillon du Rendez-vous traversait une pelouse de son ruban moiré et pailleté par le sable.

Au dehors du parc, on apercevait contre les villages et les murs, les cultures de Blangy, quelques prairies en pente où paissaient des vaches, des propriétés entourées de haie, avec leurs arbres fruitiers, des noyers, des pommiers, puis comme cadre les hauteurs,