Aller au contenu

Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/500

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

était tiède comme une femme à son lever, elle exhalait ces odeurs, suaves et chaudes, mais sauvages ; l’odeur des cultures était mêlée à l’odeur des forêts. L’angélus sonnait à Blangy et les sons de la cloche se mêlaient au bizarre concert des bois au matin, qui meublent le silence. Il y avait par places des vapeurs montantes, blanches et diaphanes. En voyant ces beaux apprêts, il avait pris fantaisie à Olympe d’accompagner son mari qui devait aller donner un ordre à un garde dont la maison n’était pas éloignée ; le médecin de Soulanges lui avait recommandé de marcher sans se fatiguer, elle craignait la chaleur du midi, et ne voulait pas se promener le soir ; Michaud emmena sa femme, et fut suivi par celui de ses chiens qu’il aimait le plus, un joli lévrier gris de souris marqué de taches blanches, gourmand comme tous les lévriers, plein de défauts comme un animal qui sait qu’on l’aime et qui plaît.

Ainsi, quand le tilbury vint à la grille du Rendez-vous, la comtesse qui demanda comment allait madame Michaud sut qu’elle était allée dans la forêt avec son mari.

— Ce temps-là, inspire tout le monde, dit Blondet en lançant son cheval dans une des six avenues de la forêt, au hasard.

— Hà çà, Joseph, tu connais les bois ?

— Oui, Monsieur.

Et d’aller. Cette avenue était une des plus délicieuses, elle tourna bientôt et devint un sentier de la forêt où le soleil descendait par les déchiquetures du toit de feuillage, où la brise apportait les senteurs du serpolet, du chèvrefeuille, et des feuilles qui tombent en rendant un soupir, où les gouttes de rosée semées dans les feuilles s’égrenaient dans les herbes au passage de la légère voiture, et à mesure qu’elle allait, les deux promeneurs entrevoyaient les fantaisies mystérieuses des bois. Ces fonds frais, où la verdure est humide et sombre, où la lumière se veloute en s’y perdant, ces clairières à bouleaux élégants dominés par un arbre centenaire, l’hercule de la forêt ; ces magnifiques assemblages de troncs noueux, moussus, blanchâtres, à sillons creux, qui dessinent des maculatures gigantesques, et cette bordure de fines herbes, de fleurs grêles qui viennent sur les berges des ornières. Les oiseaux chantaient. Certes il y a des voluptés inouïes à conduire une femme, qui,