Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/508

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Les deux vieilles se disputèrent à qui serait vendue par ses enfants. Au bruit de la querelle, la maison s’éveilla. Tonsard et Bonnébault prirent chacun parti pour leurs mères.

— Tirez à la courte paille, dit madame Tonsard.

La courte paille décida pour le cabaret. Trois jours après, au point du jour, les gendarmes emmenèrent, du fond de la forêt à La-Ville-aux-Fayes, la vieille Tonsard surprise en flagrant délit, par les gardes et le garde-champêtre, avec une mauvaise lime qui servait à déchirer l’arbre et un chasse-clou avec lequel les délinquants lissaient cette hachure annulaire, comme l’insecte lisse son chemin. On constata dans le procès-verbal, l’existence de cette perfide opération sur soixante arbres, dans un rayon de cinq cents pas. La vieille Tonsard fut transférée à Auxerre ; le cas était de la juridiction de la cour d’assises.

Quand Michaud vit au pied de l’arbre la vieille Tonsard, il ne put s’empêcher de dire :

— Voilà les gens sur qui monsieur et madame la comtesse versent leurs bienfaits !… Ma foi ! s’il m’écoutait, il ne donnerait point de dot à la petite Tonsard, elle vaut encore moins que sa grand’mère…

La vieille leva vers Michaud ses yeux gris et lui lança un regard de vipère. En effet, en apprenant quel était l’auteur de ce crime, le comte défendit à sa femme de rien donner à Catherine Tonsard.

— Monsieur le comte fera d’autant mieux, dit Sibilet, que j’ai su que le champ que Godain a acheté, c’était trois jours avant que Catherine vînt parler à madame. Ainsi ces deux gens-là avaient compté sur l’effet de cette scène et sur la compassion de madame. Elle est bien capable, Catherine, de s’être mise dans le cas où elle était, pour avoir un motif d’avoir la somme, car Godain n’est pour rien dans l’affaire…

— Quelles gens ! dit Blondet, les mauvais sujets de Paris sont des saints…

— Ah ! monsieur, dit Sibilet, l’intérêt fait commettre des horreurs partout. Savez-vous qui a trahi la Tonsard ?

— Non !

— Sa (petite-)fille Marie ; elle était jalouse du mariage de sa sœur, et pour s’établir…

— C’est épouvantable ! dit le comte ; mais ils assassineraient donc pour…

— Oh ! dit Sibilet, pour peu de chose ; ils tiennent si peu à la