Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/528

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axiomes.

Un homme est, dans notre civilisation, responsable de toute sa femme.

Ce n’est pas le mari qui forme la femme.

Un jour, Caroline aura soutenu mordicus chez madame de Fischtaminel, une femme très-distinguée, que le petit dernier ne ressemblait ni à son père ni à sa mère, mais à l’ami de la maison. Elle aura peut-être éclairé monsieur de Fischtaminel, et inutilisé les travaux de trois années, en renversant l’échafaudage des assertions de madame de Fischtaminel, qui, depuis cette visite, vous marque de la froideur, car elle soupçonne chez vous une indiscrétion faite à votre femme.

Un soir, Caroline, après avoir fait causer un auteur sur ses ouvrages, aura terminé en donnant le conseil à ce poëte, déjà fécond, de travailler enfin pour la postérité. Tantôt elle se plaint de la lenteur du service à table chez des gens qui n’ont qu’un domestique et qui se sont mis en quatre pour la recevoir. Tantôt elle médit des veuves qui se remarient, devant madame Deschars, mariée en troisièmes noces à un ancien notaire, à Nicolas-Jean-Jérôme-Népomucène-Ange-Marie-Victor-Joseph Deschars, l’ami de votre père.

Enfin vous n’êtes plus vous-même dans le monde avec votre femme. Comme un homme qui monte un cheval ombrageux et qui le regarde sans cesse entre les deux oreilles, vous êtes absorbé par l’attention avec laquelle vous écoutez votre Caroline.

Pour se dédommager du silence auquel sont condamnées les demoiselles, Caroline parle, ou mieux, elle babille ; elle veut faire de l’effet, et elle en fait : rien ne l’arrête ; elle s’adresse aux hommes les plus éminents, aux femmes les plus considérables ; elle se fait présenter, elle vous met au supplice. Pour vous, aller dans le monde, c’est aller au martyre.

Elle commence à vous trouver maussade : vous êtes attentif, voilà tout ! Enfin, vous la maintenez dans un petit cercle d’amis, car elle vous a déjà brouillé avec des gens de qui dépendaient vos intérêts.

Combien de fois n’avez-vous pas reculé devant la nécessité d’une remontrance, le matin, au réveil, quand vous l’aviez bien