d’un prix fou, plus ou moins originales ; et il arrive pour l’œuvre féminine ce qui arrive au Louvre pour le chef-d’œuvre : la robe de votre femme pâlit auprès d’une autre presque semblable, dont la couleur, plus voyante, écrase la sienne. Caroline n’est rien, elle est à peine remarquée. Quand il y a soixante jolies femmes dans un salon, le sentiment de la beauté se perd, on ne sait plus rien de la beauté. Votre femme devient quelque chose de fort ordinaire. La petite ruse de son sourire perfectionné ne se comprend plus parmi les expressions grandioses, auprès de femmes à regards hautains et hardis. Elle est effacée, elle n’est pas invitée à danser. Elle essaie de se grimer pour jouer le contentement, et comme elle n’est pas contente, elle entend dire : « Madame Adolphe a bien mauvaise mine. » Les femmes lui demandent hypocritement si elle souffre ; pourquoi ne pas danser. Elles ont un répertoire de malices couvertes de bonhomie, plaquées de bienveillance à faire damner un saint, à rendre un singe sérieux et à donner froid à un démon.
Vous, innocent, qui jouez, allez et venez, et qui ne voyez pas une des mille piqûres d’épingle par lesquelles on a tatoué l’amour-propre de votre femme, vous arrivez à elle en lui disant à l’oreille : ─ Qu’as-tu ?
— Demandez ma voiture.
Ce ma est l’accomplissement du mariage. Pendant deux ans on a dit la voiture de monsieur, la voiture, notre voiture, et enfin ma voiture.
Vous avez une partie engagée, une revanche à donner, de l’argent à regagner.
Ici l’on vous concède, Adolphe, que vous êtes assez fort pour dire oui, disparaître et ne pas demander la voiture.
Vous avez un ami, vous l’envoyez danser avec votre femme, car vous en êtes à un système de concessions qui vous perdra : vous entrevoyez déjà l’utilité d’un ami.
Mais vous finissez par demander la voiture. Votre femme y monte avec une rage sourde, elle se flanque dans son coin, s’emmitoufle dans son capuchon, se croise les bras dans sa pelisse, se met en boule comme une chatte, et ne dit mot.
Ô maris ! sachez-le, vous pouvez en ce moment tout réparer, tout raccommoder, et jamais l’impétuosité des amants qui se sont caressés par de flamboyants regards pendant toute la soirée n’y manque ! Oui, vous pouvez la ramener triomphante, elle n’a plus