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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/56

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Le prix de la maison et l’argent de la succession pouvant produire sept à huit mille francs, cette femme se voyait très heureuse à Saint-Germain avec sept ou huit cents francs de rentes viagères qu’elle croyait pouvoir tirer de ses huit mille francs. Elle avait eu déjà plusieurs conférences avec le notaire de Saint-Germain, car elle se refusait à donner son argent en viager au marchand de vin de Nanterre qui le lui demandait. Dans ces circonstances, un jour, on ne vit plus reparaître la veuve Pigeau ni sa servante. La grille de la cour, la porte d’entrée de la maison, les volets, tout était clos. Après trois jours, la justice, informée de cet état de choses, fit une descente. Monsieur Popinot, juge d’instruction, accompagné du procureur du roi, vint de Paris, et voici ce qui fut constaté.

Ni la grille de la cour, ni la porte d’entrée de la maison ne portaient de traces d’effraction. La clef se trouvait dans la serrure de la porte d’entrée, à l’intérieur. Pas un barreau de fer n’avait été forcé. Les serrures, les volets, toutes les fermetures étaient intactes.

Les murailles ne présentaient aucune trace qui pût dévoiler le passage des malfaiteurs. Les cheminées en poterie n’offrant pas d’issue praticable, n’avaient pu permettre de s’introduire par cette voie. Les faîteaux, sains et entiers, n’accusaient d’ailleurs aucune violence. En pénétrant dans les chambres au premier étage, les magistrats, les gendarmes et Bibi-Lupin trouvèrent la veuve Pigeau étranglée dans son lit et la servante étranglée dans le sien, au moyen de leurs foulards de nuit. Les trois mille francs avaient été pris, ainsi que les couverts et les bijoux. Les deux corps étaient en putréfaction, ainsi que ceux du petit chien et d’un gros chien de basse-cour. Les palissades d’enceinte du jardin furent examinées, rien n’y était brisé. Dans le jardin, les allées n’offraient aucun vestige de passage. Il parut probable au juge d’instruction que l’assassin avait marché sur l’herbe pour ne pas laisser l’empreinte de ses pas, s’il s’était introduit par là, mais comment avait-il pu pénétrer dans la maison ? Du côté du jardin, la porte avait une imposte garnie de trois barreaux de fer intacts. De ce côté, la clef se trouvait également dans la serrure, comme à la porte d’entrée du côté de la cour.

Une fois ces impossibilités parfaitement constatées par M. Popinot, par Bibi-Lupin, qui resta pendant une journée à tout observer, par le procureur du roi lui-même et par le brigadier du