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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/598

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— Eh bien ! madame, dit le grand médecin, comment une si jolie femme s’avise-t-elle d’être malade ?

— Oui, monsieur, de même que le nez du père Aubry, j’aspire à la tombe…

Caroline, par égard pour Adolphe, essaie de sourire.

— Bon ! cependant vous avez les yeux vifs : ils souhaitent peu nos infernales drogues…

— Regardez-y bien, docteur, la fièvre me dévore, une petite fièvre imperceptible, lente…

Et elle arrête le plus malicieux de ses regards sur l’illustre docteur, qui se dit en lui-même : — Quels yeux !…

— Bien, voyons la langue ? dit-il tout haut.

Caroline montre sa langue de chat entre deux rangées de dents blanches comme celles d’un chien.

— Elle est un peu chargée, au fond ; mais vous avez déjeuné… fait observer le grand médecin, qui se tourne vers Adolphe.

— Rien, répond Caroline, deux tasses de thé…

Adolphe et l’illustre docteur se regardent, car le docteur se demande qui, de madame ou de monsieur, se moque de lui.

— Que sentez-vous ? demande gravement le docteur à Caroline.

— Je ne dors pas.

— Bon !

— Je n’ai pas d’appétit…

— Bien !

— J’ai des douleurs, là…

Le médecin regarde l’endroit indiqué par Caroline.

— Très-bien, nous verrons cela tout à l’heure… Après ?…

— Il me passe des frissons par moments…

— Bon !

— J’ai des tristesses, je pense toujours à la mort, j’ai des idées de suicide.

— Ah ! vraiment ?

— Il me monte des feux à la figure ; tenez, j’ai constamment des tressaillements dans la paupière…

— Très-bien : nous nommons cela un trismus.

Le docteur explique pendant un quart d’heure, en employant les termes les plus scientifiques, la nature du trismus, d’où il résulte que le trismus est le trismus ; mais il fait observer avec la