Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/649

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aventures secrètes, leurs malheurs inédits, la bizarrerie qui causa leurs erreurs et les fatalités particulières auxquelles elles doivent un instant de rage, un désespoir inutile, des souffrances qu’elles pouvaient s’épargner, heureuses toutes de s’être trompées !…

Cette petite misère a pour corollaire la suivante, beaucoup plus grave et souvent sans remède, surtout lorsqu’elle a sa cause dans des vices d’un autre genre et qui ne sont pas de notre ressort, car, dans cet ouvrage, la femme est toujours censée vertueuse… jusqu’au dénouement.


LE TYRAN DOMESTIQUE.


— Ma chère Caroline, dit un jour Adolphe à sa femme, es-tu contente de Justine ?

— Mais, oui, mon ami.

— Tu ne trouves pas qu’elle te parle d’une façon qui n’est point convenable ?

— Est-ce que je fais attention à une femme de chambre ? il paraît que vous l’observez, vous ?

— Plaît-il ?… demande Adolphe d’un air indigné qui ravit toujours les femmes.

En effet, Justine est une vraie femme de chambre d’actrice, une fille de trente ans frappée par la petite vérole de mille fossettes où ne se jouent pas les amours, brune comme l’opium, beaucoup de jambes et peu de corps, les yeux chassieux et une tournure à l’avenant. Elle voudrait se faire épouser par Benoît, elle a dix mille francs ; mais à cette attaque inopinée, Benoît a demandé son congé. Tel est le portrait du tyran domestique intronisé par la jalousie de Caroline.

Justine prend son café, le matin, dans son lit, et s’arrange de manière à le prendre aussi bon, pour ne pas dire meilleur, que celui de madame. Justine sort quelquefois sans en demander la permission, elle sort mise comme la femme d’un banquier du second ordre. Elle a le bibi rose, une ancienne robe de madame refaite, un beau châle, des brodequins en peau bronzée et des bijoux apocryphes.

Justine est quelquefois de mauvaise humeur et fait sentir à sa maî-