Aller au contenu

Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/655

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

libertin ; il garde son sérieux en voyant entrer une jolie femme, et il dit des choses excessivement amères sur Adolphe.

— Je vous plains, madame, vous appartenez à un homme qui peut vous attirer bien des désagréments ; encore quelques affaires de ce genre, et il sera tout à fait déconsidéré. Avez-vous des enfants ? pardonnez-moi cette question ; vous êtes si jeune, qu’il est bien naturel… Et le juge se met le plus près possible de Caroline.

— Oui, monsieur.

— Oh ! bon Dieu ! quel avenir ! Ma première pensée était pour la femme ; mais maintenant, je vous plains doublement, je songe à la mère… Ah ! combien vous avez dû souffrir en venant ici… Pauvres, pauvres femmes !

— Ah ! monsieur, vous vous intéressez à moi, n’est-ce pas ?…

— Hélas ! que puis-je ? fait le juge en sondant Caroline par un regard oblique. Ce que vous me demandez est une forfaiture, je suis magistrat avant d’être homme…

— Ah ! monsieur, soyez homme seulement…

— Savez-vous bien ce que vous dites-là… ma belle dame !…

Là, le magistrat consulaire prend en tremblant la main de Caroline.

Caroline, en songeant qu’il s’agit de l’honneur de son mari, de ses enfants, se dit en elle-même que ce n’est pas le cas de faire la prude, elle laisse prendre sa main, elle résiste assez pour que le galant vieillard (c’est heureusement un vieillard) y trouve une faveur.

— Allons ! allons ! belle dame, ne pleurez pas, reprend le magistrat, je serais au désespoir de faire couler les larmes d’une si jolie personne, nous verrons, vous viendrez demain soir m’expliquer l’affaire, il faut voir toutes les pièces ; nous les compulserons ensemble…

— Monsieur…

— Mais il le faut…

— Monsieur…

— N’ayez pas peur, belle dame, un juge peut savoir accorder ce qu’on doit à la justice, et… (il prend un petit air fin) à la beauté.

— Mais, monsieur…

— Soyez tranquille, dit-il en lui tenant les mains et les pressant, et ce grand délit, nous tâcherons de le changer en pecca-