— Que crois-tu, ma chère petite Diane ? dit le duc à l’oreille de la duchesse de Maufrigneuse en l’emmenant dans l’embrasure d’une fenêtre.
— Clotilde est si folle de Lucien, mon cher, qu’elle lui avait donné un rendez-vous avant son départ. Sans la petite Lenoncourt, elle se serait peut-être enfuie avec lui dans la forêt de Fontainebleau ! Je sais que Lucien écrivait à Clotilde des lettres à faire partir la tête d’une sainte ! Nous sommes trois filles d’Ève enveloppées par le serpent de la correspondance…
Le duc et Diane revinrent de l’embrasure vers la duchesse et madame Camusot, qui causaient à voix basse. Amélie, qui suivait en ceci les avis de la duchesse de Maufrigneuse, se posait en dévote pour gagner le cœur de la fière Portugaise.
— Nous sommes à la merci d’un ignoble forçat évadé ! dit le duc en faisant un certain mouvement d’épaule. Voilà ce que c’est que de recevoir chez soi des gens de qui l’on n’est pas parfaitement sûr ! On doit, avant d’admettre quelqu’un, bien connaître sa fortune, ses parents, tous ses antécédents…
Cette phrase est la morale de cette histoire, au point de vue aristocratique.
— C’est fait, dit la duchesse de Maufrigneuse. Pensons à sauver la pauvre madame de Sérisy, Clotilde, et moi…
— Nous ne pouvons qu’attendre Henri, je l’ai fait demander ; mais tout dépend du personnage que Gentil est allé chercher. Dieu veuille que cet homme soit à Paris ! Madame, dit-il en s’adressant à madame Camusot, je vous remercie d’avoir pensé à nous…
C’était le congé de madame Camusot. La fille de l’huissier du cabinet avait assez d’esprit pour comprendre le duc, elle se leva ; mais la duchesse de Maufrigneuse, avec cette adorable grâce qui lui conquérait tant de discrétions et d’amitiés, prit Amélie par la main et la montra d’une certaine manière au duc et à la duchesse.
— Pour mon propre compte, et comme si elle ne s’était pas levée dès l’aurore pour nous sauver tous, je vous demande plus d’un souvenir pour ma petite madame Camusot. D’abord elle m’a déjà rendu de ces services qu’on n’oublie point ; puis elle nous est tout acquise, elle et son mari. J’ai promis de faire avancer son Camusot, et je vous prie de le protéger avant tout, pour l’amour de moi.
— Vous n’avez pas besoin de cette recommandation, dit le duc