dit, plus vous avez excité ma compassion. Je dois vous dire une cruelle vérité : le duc a certainement jeté Fernand dans une situation si précaire, qu’il lui est impossible de se retrouver dans le monde où vous êtes. Le jeune homme que vous avez vu n’est point votre fils.
Ah ! vous ne connaissez pas Fernand ! Moi, je le connais : en quelque lieu qu’il soit, sa vie agite ma vie. Je l’ai vu mille fois…
En rêve !
Fernand a dans les veines le sang des Montsorel et des Vaudrey. La place qu’il aurait tenue de sa naissance, il a su la conquérir ; partout où il se trouve, on lui cède. S’il a commencé par être soldat, il est aujourd’hui colonel. Mon fils est fier, il est beau, on l’aime ! Je suis sûre, moi, qu’il est aimé. Ne me dites pas non, ma tante, Fernand existe ; autrement, le duc aurait manqué à sa foi de gentilhomme, et il met à un trop haut prix les vertus de sa race pour les démentir.
L’honneur et la vengeance du mari ne lui étaient-ils pas plus chers que la loyauté du gentilhomme ?
Ah ! vous me glacez.
Louise, vous le savez, l’orgueil de leur race est héréditaire chez les Montsorel, comme l’esprit chez les Mortemart.
Je ne le sais que trop ! Le doute sur la légitimité de son enfant l’a rendu fou.
Non. Le duc a le cœur ardent et la tête froide en ce qui touche les sentiments par lesquels ils vivent, les hommes de cette trempe vont vite dans l’exécution de ce qu’ils ont conçu.
Mais, ma tante, vous savez pourtant à quel prix il m’a vendu la vie de Fernand ? Ne l’ai-je pas assez chèrement payée pour n’avoir aucune crainte sur ses jours ? Persister à soutenir que je n’étais pas coupable, c’était le vouer à une mort certaine : j’ai livré mon honneur pour sauver mon fils. Toutes les mères en eussent fait autant ! Vous gardiez ici mes biens, j’étais seule en pays étranger
