Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/39

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RAOUL.

En ce moment, qui est-ce qui n’est pas étranger ?

LE MARQUIS.

Mademoiselle, ce n’est pas précisément la nouvelle qui me préoccupe, mais l’inconcevable facilité avec laquelle on accueille des gens sans savoir ce qu’ils sont ni d’où ils viennent.

LA DUCHESSE DE MONTSOREL, à part.

Veulent-ils l’insulter chez moi ?

RAOUL.

S’il faut se défier des gens qu’on connait peu, n’en est-il pas qu’on connaît beaucoup trop en un instant ?

LE DUC.

Albert, en quoi ceci peut-il nous intéresser ? Admettons-nous jamais quelqu’un sans bien connaître sa famille ?

RAOUL.

Monsieur le duc connaît la mienne.

LE DUC.

Vous êtes chez madame de Montsorel, et cela me suffit. Nous savons trop ce que nous vous devons, pour qu’il vous soit possible d’oublier ce que vous nous devez. Le nom de Frescas oblige, et vous le portez dignement.

LA DUCHESSE DE CHRISTOVAL, à Raoul.

Ne voulez vous pas dire en ce moment qui vous êtes, sinon pour vous, du moins pour vos amis ?

RAOUL.

Je serais au désespoir, Messieurs, si ma présence ici devenait la cause de la plus légère discussion mais comme certains ménagements peuvent blesser autant que les demandes les plus directes, nous finirons ce jeu, qui n’est digne ni de vous ni de moi. Madame la duchesse ne m’a pas, je crois, invité pour me faire subir des interrogatoires. Je ne reconnais à personne le droit de me demander compte d’un silence que je veux garder.

LE MARQUIS.

Et nous laissez-vous le droit de l’interpréter ?

RAOUL.

Si je réclame la liberté de ma conduite, ce n’est pas pour enchaîner la vôtre.

LA DUCHESSE DE MONTSOREL.

Il y va, Monsieur, de votre dignité de ne rien répondre.