Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous deux manger notre argent à Paris, et nous avons bien fait ; mais il me semble, baron, que vous avez pris une position bien secondaire, et qui cependant attire l’attention.

VAUTRIN.

Ah ! je vous remercie, chevalier. J’espère que nous voici maintenant amis pour longtemps ?

SAINT-CHARLES.

Pour toujours.

VAUTRIN.

Vous pouvez m’être extrêmement utile, je puis vous servir énormément, entendons-nous ! Que je sache l’intérêt qui vous amène, et je vous dirai le mien.

SAINT-CHARLES, à part.

Ah çà, est-ce lui qu’on lâche sur moi, ou moi sur lui ?

VAUTRIN, à part.

Ça peut aller longtemps comme ça.

SAINT-CHARLES.

Je vais commencer.

VAUTRIN.

Allons donc !

SAINT-CHARLES.

Baron, de vous à moi, je vous admire.

VAUTRIN.

Quel éloge dans votre bouche ?

SAINT-CHARLES.

Non, d’honneur ! créer un de Frescas à la face de tout Paris, est une invention qui passe de mille piques celle de nos comtesses au congrès. Vous pêchez à la dot avec une rare audace.

VAUTRIN.

Je pêche à la dot ?

SAINT-CHARLES.

Mais, mon cher, vous seriez découvert, si ce n’était pas moi, votre ami, qu’on eût chargé de vous observer, car je vous suis détaché de très-haut. Comment aussi, permettez-moi de vous le reprocher, osez-vous disputer une héritière à la famille de Montsorel ?

VAUTRIN.

Et moi, qui croyais bonnement que vous veniez me proposer de faire des affaires ensemble, et que nous aurions spéculé tous deux avec l’argent de M. de Frescas, dont je dispose entièrement !… et vous me dites des choses d’un autre monde ! Frescas, mon cher,