Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/16

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subsister, le banquier doit devenir noble, fonder une dynastie comme les prêteurs de Charles-Quint, les Fugger, créés princes de Babenhausen, et qui existent encore… dans l’Almanach de Gotha. La Banque cherche la noblesse par instinct de conservation, et sans le savoir peut-être. Jacques Cœur a fait une grande maison noble, celle de Noirmoutier, éteinte sous Louis XIII. Quelle énergie chez cet homme, ruiné pour avoir fait un roi légitime ! Il est mort prince d’une île de l’Archipel où il a bâti une magnifique cathédrale.

— Ah ! si vous faites des Cours d’Histoire, nous sortons du temps actuel où le trône est destitué du droit de conférer la noblesse, où l’on fait des barons et des comtes à huis-clos, quelle pitié ! dit Finot.

— Tu regrettes la savonnette à vilain, dit Bixiou, tu as raison. Je reviens à nos moutons. Connaissez-vous Beaudenord ? Non, non, non. Bien. Voyez comme tout passe ! Le pauvre garçon était la fleur du dandysme il y a dix ans. Mais il a été si bien absorbé, que vous ne le connaissez pas plus que Finot ne connaissait tout à l’heure l’origine du coup de Jarnac (c’est pour la phrase et non pour te taquiner que je dis cela, Finot !). À la vérité, il appartenait au faubourg Saint-Germain. Eh ! bien, Beaudenord est le premier pigeon que je vais vous mettre en scène. D’abord, il se nommait Godefroid de Beaudenord. Ni Finot, ni Blondet, ni Couture ni moi, nous ne méconnaîtrons un pareil avantage. Le gars ne souffrait point dans son amour-propre en entendant appeler ses gens au sortir d’un bal, quand trente jolies femmes encapuchonnées et flanquées de leurs maris et de leurs adorateurs attendaient leurs voitures. Puis il jouissait de tous les membres que Dieu a donnés à l’homme : sain et entier, ni taie sur un œil, ni faux toupet, ni faux mollets ; ses jambes ne rentraient point en dedans, ne sortaient point en dehors ; genoux sans engorgement, épine dorsale droite, taille mince, main blanche et jolie, cheveux noirs ; teint ni rose comme celui d’un garçon épicier, ni trop brun comme celui d’un Calabrois. Enfin, chose essentielle ! Beaudenord n’était pas trop joli homme, comme le sont ceux de nos amis qui ont l’air de faire état de leur beauté, de ne pas avoir autre chose ; mais ne revenons pas là-dessus, nous l’avons dit, c’est infâme ! Il tirait bien le pistolet, montait fort agréablement à cheval ; il s’était battu pour une vétille, et n’avait pas tué son adversaire. Savez-vous que pour faire