Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/195

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Carrelée comme le corridor et tendue d’un papier mesquin, la pièce où se tient le garçon de bureau est meublée d’un poêle, d’une grande table noire, plumes, encrier, quelquefois une fontaine, enfin des banquettes sans nattes pour les pieds-de-grues publics ; mais le garçon de bureau, assis dans un bon fauteuil, repose les siens sur un paillasson. Le bureau des employés est une grande pièce plus ou moins claire, rarement parquetée. Le parquet et la cheminée sont spécialement affectés aux Chefs de Bureau et de Division, ainsi que les armoires, les bureaux et les tables d’acajou, les fauteuils de maroquin rouge ou vert, les divans, les rideaux de soie et autres objets de luxe administratif. Le bureau des employés a un poêle dont le tuyau donne dans une cheminée bouchée, s’il y a cheminée. Le papier de tenture est uni, vert ou brun. Les tables sont en bois noir. L’industrie des employés se manifeste dans leur manière de se caser. Le frileux a sous ses pieds une espèce de pupitre en bois, l’homme à tempérament bilieux-sanguin n’a qu’une sparterie ; le lymphatique qui redoute les vents coulis, l’ouverture des portes et autres causes du changement de température, se fait un petit paravent avec des cartons. Il existe une armoire où chacun met l’habit de travail, les manches en toile, les garde-vue, casquettes, calottes grecques et autres ustensiles du métier. Presque toujours la cheminée est garnie de carafes pleines d’eau, de verres et de débris de déjeuner. Dans certains locaux obscurs, il y a des lampes. La porte du cabinet où se tient le Sous-Chef est ouverte, en sorte qu’il peut surveiller ses employés, les empêcher de trop causer, ou venir causer avec eux dans les grandes circonstances. Le mobilier des bureaux indiquerait au besoin à l’observateur la qualité de ceux qui les habitent. Les rideaux sont blancs ou en étoffe de couleur, en coton ou en soie ; les chaises sont en merisier ou en acajou, garnies de paille, de maroquin ou d’étoffes ; les papiers sont plus ou moins frais. Mais, à quelque administration que toutes ces choses publiques appartiennent, dès qu’elles sortent du Ministère, rien n’est plus étrange que ce monde de meubles qui a vu tant de maîtres et tant de régimes, qui a subi tant de désastres. Aussi de tous les déménagements, les plus grotesques de Paris sont-ils ceux des Administrations. Jamais le génie d’Hoffmann, ce chantre de l’impossible, n’a rien inventé de plus fantastique. On ne se rend pas compte de ce qui passe dans les charrettes. Les cartons baillent en laissant une traînée de poussière dans les rues. Les ta-