Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 11.djvu/459

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d’une cinquantaine d’années, doué de cette figure de blanc de céruse que se font les diplomates, habillé de drap bleu, d’une tournure assez élégante, ayant presque l’air d’un ministre d’État, descendit d’un cabriolet splendide en en jetant les guides à son domestique. Il demanda si le baron de Nucingen était visible, au valet qui se tenait sur une banquette du péristyle, et qui lui en ouvrit respectueusement la magnifique porte en glaces.

— Le nom de monsieur ?… dit le domestique.

— Dites à monsieur le baron que je viens de l’avenue Gabriel, répondit Corentin. S’il y a du monde, gardez-vous bien de prononcer ce nom-là tout haut, vous vous feriez mettre à la porte.

Une minute après, le valet revint et conduisit Corentin dans le cabinet du baron, par les appartements intérieurs.

Corentin échangea son regard impénétrable contre un regard de même nature avec le banquier, et ils se saluèrent convenablement.

— Monsieur le baron, dit-il, je viens au nom de Peyrade…

Pien, fit le baron en allant pousser les verrous aux deux portes.

— La maîtresse de monsieur de Rubempré demeure rue Taitbout, dans l’ancien appartement de mademoiselle de Bellefeuille, l’ex-maîtresse de monsieur de Grandville, le Procureur-Général.

Ah ! si brès te moi, s’écria le baron, gomme c’ed trôle.

— Je n’ai pas de peine à croire que vous soyez fou de cette magnifique personne, elle m’a fait plaisir à voir, répondit Corentin. Lucien est si jaloux de cette fille qu’il lui défend de se montrer ; et il est bien aimé d’elle, car, depuis quatre ans qu’elle a succédé à la Bellefeuille, et dans son mobilier et dans son état, jamais les voisins, ni le portier, ni les locataires de la maison n’ont pu l’apercevoir. L’infante ne se promène que la nuit. Quand elle part, les stores de la voiture sont baissés, et madame est voilée. Lucien n’a pas seulement des raisons de jalousie pour cacher cette femme : il doit se marier à Clotilde de Grandlieu, et il est le favori intime actuel de madame de Sérizy. Naturellement il tient et à sa maîtresse d’apparat et à sa fiancée. Ainsi, vous êtes le maître de la position : Lucien sacrifiera son plaisir à ses intérêts et à sa vanité. Vous êtes riche, il s’agit probablement de votre dernier bonheur, soyez généreux. Vous arriverez à vos fins par la femme de chambre. Donnez une dizaine de mille francs à la soubrette, elle vous ca-