Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/100

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moment où le juge d’instruction donnait l’ordre de l’élargir, ce jeune homme est mort subitement. »

— Votre avenir, monsieur, dit le magistrat à Massol, dépend de votre discrétion sur le petit service que je vous demande, ajouta monsieur de Grandville.

— Puisque monsieur le procureur général me fait l’honneur d’avoir confiance en moi, je prendrai la liberté, répondit Massol, de vous présenter une observation. Cette note inspirera des commentaires injurieux sur la justice…

— La justice est assez forte pour les supporter, répliqua le magistrat.

— Permettez, monsieur le comte, on peut avec deux phrases éviter ce malheur.

Et l’avocat écrivit ceci :

« Les formes de la justice sont tout à fait étrangères à ce funeste événement. L’autopsie, à laquelle on a procédé sur-le-champ, a démontré que cette mort était due à la rupture d’un anévrisme à son dernier période. Si monsieur Lucien de Rubempré avait été affecté de son arrestation, sa mort aurait eu lieu beaucoup plus tôt. Or, nous croyons pouvoir affirmer que, loin d’être affligé de son arrestation, il en riait et disait à ceux qui l’accompagnèrent de Fontainebleau à Paris, qu’aussitôt arrivé devant le magistrat son innocence serait reconnue. »

— N’est-ce pas sauver tout ?… demanda l’avocat-journaliste.

— Merci, monsieur, répondit le procureur général.

Ainsi, comme on le voit, les plus grands événements de la vie sont traduits par de petits Faits-Paris plus ou moins vrais.


Paris, mars 1846.