Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/200

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— Ami Gazonal, répliqua gravement Bixiou, pour pouvoir rire de tout, il faut tout connaître. Quant à moi, je suis à Paris depuis mon enfance, et mon crayon m’y fait vivre des ridicules, à cinq caricatures par mois… Je me moque ainsi très souvent d’une idée à laquelle j’ai foi !

— Passons à d’autres exercices, dit Léon, allons à la Chambre, où nous arrangerons l’affaire du cousin.

— Ceci, dit Bixiou en imitant Odry et Gaillard, est de la haute comédie, car nous ferons poser le premier orateur que nous rencontrerons dans la salle des Pas-Perdus, et vous reconnaîtrez là comme ailleurs le langage parisien qui n’a jamais que deux rhythmes : l’intérêt ou la vanité.

En remontant en voiture, Léon aperçut, dans un cabriolet qui passait rapidement, un homme à qui d’un signe de main il fit comprendre qu’il voulait lui dire un mot.

— C’est Publicola Masson, dit Léon à Bixiou, je vais lui demander séance pour ce soir à cinq heures, après la Chambre. Le cousin aura le plus curieux de tous les originaux…

— Qui est-ce ? demanda Gazonal pendant que Léon parlait à Publicola Masson.

— Un pédicure, auteur d’un Traité de corporistique, qui vous fait vos cors par abonnement, et qui, si les Républicains triomphent pendant six mois, deviendra certainement immortel.

Enne vôture ! s’écria Gazonal.

— Mais, ami Gazonal, il n’y a que les millionnaires qui ont assez de temps à eux pour aller à pied, à Paris.

— À la Chambre, cria Léon au cocher.

— Laquelle ? monsieur.

— Des Députés, répondit Léon après avoir échangé un sourire avec Bixiou.

— Paris commence à me confondre, dit Gazonal.

— Pour vous en faire connaître l’immensité morale, politique et littéraire, nous agissons en ce moment comme le cicerone romain, qui vous montre à Saint-Pierre le pouce de la statue que vous avez cru de grandeur naturelle, vous le trouvez grand d’un pied. Vous n’avez pas encore mesuré l’un des orteils de Paris ?…

— Et remarquez, cousin Gazonal, que nous prenons ce qui se rencontre, nous ne choisissons pas.

— Ce soir, tu souperas comme on festinait chez Balthazar, et