Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/261

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blent à des sarments de vigne. L’escalier est en dehors, au milieu, et placé dans une tour pentagone à petite porte en ogive. Le rez-de-chaussée, intérieurement modernisé sous Louis XIV, ainsi que le premier étage, est surmonté de toits immenses, percés de croisées à tympans sculptés. Devant le château se trouve une immense pelouse dont les arbres avaient été récemment abattus. De chaque côté du pont d’entrée sont deux bicoques où habitent les jardiniers, et séparées par une grille maigre, sans caractère, évidemment moderne. À droite et à gauche de la pelouse, divisée en deux parties par une chaussée pavée, s’étendent les écuries, les étables, les granges, le bûcher, la boulangerie, les poulaillers, les communs, pratiqués sans doute dans les restes de deux ailes semblables au château actuel. Autrefois, ce castel devait être carré, fortifié aux quatre angles, défendu par une énorme tour à porche cintré, au bas de laquelle était, à la place de la grille, un pont-levis. Les deux grosses tours dont les toits en poivrière n’avaient pas été rasés, le clocheton de la tour du milieu donnaient de la physionomie au village. L’église, vieille aussi, montrait à quelques pas son clocher pointu, qui s’harmonisait aux masses de ce castel. La lune faisait resplendir toutes les cimes et les cônes autour desquels se jouait et pétillait la lumière. Michu regarda cette habitation seigneuriale de façon à renverser les idées de sa femme, car son visage plus calme offrait une expression d’espérance et une sorte d’orgueil. Ses yeux embrassèrent l’horizon avec une certaine défiance ; il écouta la campagne, il devait être alors neuf heures, la lune jetait sa lueur sur la marge de la forêt, et le monticule était surtout fortement éclairé. Cette position parut dangereuse au garde-général, il descendit en paraissant craindre d’être vu. Cependant aucun bruit suspect ne troublait la paix de cette belle vallée enceinte de ce côté par la forêt de Nodesme. Marthe, épuisée, tremblante, s’attendait à un dénouement quelconque après une pareille course. À quoi devait-elle servir ? à une bonne action ou à un crime ? En ce moment, Michu s’approcha de l’oreille de sa femme.

— Tu vas aller chez la comtesse de Cinq-Cygne, tu demanderas à lui parler ; quand tu la verras, tu la prieras de venir à l’écart. Si personne ne peut vous écouter, tu lui diras : Mademoiselle, la vie de vos deux cousins est en danger, et celui qui vous expliquera le pourquoi, le comment, vous attend. Si elle a peur, si elle se défie ajoute : Ils sont de la conspiration contre le Premier Consul, et la