Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/303

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notre approche… Et cependant je vous avais envoyé le maire.

— Oui, mais pour quelqu’un qui tient tant à les sauver, vous marchiez un peu trop sur les talons du maire, dit l’abbé.

Sur ce mot, ces deux hommes se regardèrent, et tout fut dit entre eux : ils appartenaient l’un et l’autre à ces profonds anatomistes de la pensée auxquels il suffit d’une simple inflexion de voix, d’un regard, d’un mot pour deviner une âme, de même que le Sauvage devine ses ennemis à des indices invisibles à l’œil d’un Européen.

— J’ai cru tirer quelque chose de lui, je me suis découvert, pensa Corentin.

— Ah ! le drôle ! se dit en lui-même le curé.

Minuit sonnait à la vieille horloge de l’église au moment où Corentin et le curé rentrèrent au salon. On entendait ouvrir et fermer les portes des chambres et des armoires. Les gendarmes défaisaient les lits. Peyrade, avec la prompte intelligence de l’espion, fouillait et sondait tout. Ce pillage excitait à la fois la terreur et l’indignation chez les fidèles serviteurs, toujours immobiles et debout. Monsieur d’Hauteserre échangeait avec sa femme et mademoiselle Goujet des regards de compassion. Une horrible curiosité tenait tout le monde éveillé. Peyrade descendit et vint au salon en tenant à la main une cassette en bois de santal sculpté, qui devait avoir été jadis rapportée de la Chine par l’amiral de Simeuse. Cette jolie boîte était plate et de la dimension d’un volume in-quarto.

Peyrade fit un signe à Corentin, et l’emmena dans l’embrasure de la croisée : — J’y suis ! lui dit-il. Ce Michu, qui pouvait payer huit cent mille francs en or Gondreville à Marion, et qui voulait tuer tout à l’heure Malin, doit être l’homme des Simeuse ; l’intérêt qui lui a fait menacer Marion doit être le même qui lui a fait coucher Malin en joue. Il m’a paru capable d’avoir des idées, il n’en a eu qu’une, il est instruit de la chose, et sera venu les avertir ici.

— Malin aura causé de la conspiration avec son ami le notaire, dit Corentin en continuant les inductions de son collègue, et Michu, qui se trouvait embusqué, l’aura sans doute entendu parler des Simeuse. En effet, il n’a pu remettre son coup de carabine que pour prévenir un malheur qui lui a semblé plus grand que la perte de Gondreville.

— Il nous avait bien reconnus pour ce que nous sommes, dit