Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/321

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furent arrêtés, on ne vit plus de figures étrangères dans le pays. Michu perdit alors sa place, le notaire d’Arcis lui apporta la lettre par laquelle le Conseiller d’État, devenu sénateur, priait Grevin de recevoir les comptes du régisseur, et de le congédier. En trois jours, Michu se fit donner un quitus en bonne forme, et devint libre. Au grand étonnement du pays, il alla vivre à Cinq-Cygne où Laurence le prit pour fermier de toutes les réserves du château. Le jour de son installation coïncida fatalement avec l’exécution du duc d’Enghien. On apprit dans presque toute la France à la fois l’arrestation, le jugement, la condamnation et la mort du prince, terribles représailles qui précédèrent le procès de Polignac, Rivière et Moreau.

CHAPITRE II.

REVANCHE DE CORENTIN.

En attendant que la ferme destinée à Michu fût construite, le faux Judas se logea dans les communs, au-dessus des écuries, du côté de la fameuse brèche. Michu se procura deux chevaux, un pour lui et un pour son fils, car tous deux se joignirent à Gothard pour accompagner mademoiselle de Cinq-Cygne dans toutes ses promenades qui avaient pour but, comme on le pense, de nourrir les quatre gentilshommes et de veiller à ce qu’ils ne manquassent de rien. François et Gothard, aidés par Couraut et par les chiens de la comtesse, éclairaient les alentours de la cachette, et s’assuraient qu’il n’y avait personne aux environs. Laurence et Michu apportaient les vivres que Marthe, sa mère et Catherine apprêtaient à l’insu des gens afin de concentrer le secret, car aucun d’eux ne mettait en doute qu’il y eût des espions dans le village. Aussi, par prudence, cette expédition n’eut-elle jamais lieu que deux fois par semaine et toujours à des heures différentes, tantôt le jour et tantôt la nuit. Ces précautions durèrent autant que le procès Rivière, Polignac et Moreau. Quand le Sénatus-consulte qui appelait à l’Empire la famille Bonaparte et nommait Napoléon empereur fut soumis à l’acceptation du peuple français, monsieur d’Hauteserre signa sur le registre que vint lui présenter Goulard. Enfin on apprit que le pape viendrait sacrer Napoléon. Mademoiselle de Cinq-Cygne ne s’opposa plus dès lors à ce qu’une demande fût adressée par les deux