Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/428

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rait trouver Mazarin. Il rendit des services immenses ; il les rendit, là-dessus il ne se drapait point, il ne se faisait pas grand, il ne criait point à l’ingratitude, il les rendit dans l’espoir que cet homme le mettrait en position d’être élu député : Marcas ne souhaitait pas autre chose que le prêt nécessaire à l’acquisition d’une maison à Paris, afin de satisfaire aux exigences de la loi. Richard III ne voulait que son cheval.

En trois ans, Marcas créa une des cinquante prétendues capacités politiques qui sont les raquettes avec lesquelles deux mains sournoises se renvoient les portefeuilles, absolument comme un directeur de marionnettes heurte l’un contre l’autre le commissaire et Polichinelle dans son théâtre en plein vent, en espérant toujours faire sa recette. Cet homme n’existe que par Marcas ; mais il a précisément assez d’esprit pour apprécier la valeur de son teinturier, pour savoir que Marcas, une fois arrivé, resterait comme un homme nécessaire, tandis que lui serait déporté dans les colonies du Luxembourg. Il résolut donc de mettre des obstacles invincibles à l’avancement de son directeur, et cacha cette pensée sous les formules d’un dévouement absolu. Comme tous les hommes petits, il sut dissimuler à merveille ; puis il gagna du champ dans la carrière de l’ingratitude, car il devait tuer Marcas pour n’être pas tué par lui. Ces deux hommes, si unis en apparence, se haïrent dès que l’un eut une fois trompé l’autre. L’homme d’État fit partie d’un ministère, Marcas demeura dans l’Opposition pour empêcher qu’on n’attaquât son ministre, à qui, par un tour de force, il fit obtenir les éloges de l’Opposition. Pour se dispenser de récompenser son lieutenant, l’homme d’État objecta l’impossibilité de placer brusquement et sans d’habiles ménagements un homme de l’Opposition. Marcas avait compté sur une place pour obtenir par un mariage l’éligibilité tant désirée. Il avait trente-deux ans, il prévoyait la dissolution de la Chambre. Après avoir pris le ministre en flagrant délit de mauvaise foi, il le renversa, ou du moins contribua beaucoup à sa chute, et le roula dans la fange.

Tout ministre tombé doit pour revenir au pouvoir se montrer redoutable ; cet homme, que la faconde royale avait enivré, qui s’était cru ministre pour long-temps, reconnut ses torts ; en les avouant, il rendit un léger service d’argent à Marcas, qui s’était endetté pendant cette lutte. Il soutint le journal auquel travaillait Marcas, et lui en fit donner la direction. Tout en méprisant cet homme,