Aller au contenu

Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien ne peut m’acquitter envers vous !… Je vous suis acquis à jamais ! je vous appartiens entièrement. Commandez-moi quoi que ce soit, j’obéirai ! Ma reconnaissance sera sans bornes. Je vous dois la vie, elle est à vous…

— Allons, dit le bon Alain, jeune homme, soyez sage ; seulement, travaillez, et surtout n’attaquez jamais la Religion dans vos œuvres… Enfin souvenez-vous de votre dette !

Et il lui tendit une enveloppe grossie par les billets de banque qu’il avait comptés.

Victor de Vernisset eut les yeux mouillés de larmes, il baisa respectueusement la main de madame de La Chanterie et il partit après avoir échangé une poignée de main avec monsieur Alain et Godefroid.

— Vous n’avez pas obéi à madame, dit solennellement le bonhomme dont le visage eut une expression triste que Godefroid ne lui avait pas encore vue, c’est une faute capitale, encore deux et nous nous quitterons… Ce sera bien dur pour vous, après nous avoir paru digne de notre confiance…

— Mon cher Alain, dit madame de La Chanterie, ayez pour moi la bonté de vous taire sur cette étourderie… Il ne faut pas trop demander à un nouvel arrivé qui n’a pas eu de grands malheurs, qui n’a pas de religion, qui n’a qu’une excessive curiosité pour toute vocation et qui ne croit pas encore en nous.

— Pardonnez-moi madame, répondit Godefroid, je veux dès ce moment être digne de vous, je me soumets à toutes les épreuves que vous jugerez nécessaires avant de m’initier au secret de vos occupations et si monsieur l’abbé de Vèze veut entreprendre de m’éclairer, je lui livrerai mon âme et ma raison.

Ces paroles rendirent madame de La Chanterie si heureuse que ses joues se couvrirent d’une petite rougeur, elle saisit la main de Godefroid, la lui serra puis elle lui dit avec une étrange émotion : — C’est bien !

Le soir, après le dîner, Godefroid vit venir un vicaire général du diocèse de Paris, deux chanoines, deux anciens maires de Paris, et une dame de charité. L’on ne joua point, la conversation générale fut gaie sans être futile.

Une visite qui surprit étrangement Godefroid fut celle de la comtesse de Cinq-Cygne, l’une des sommités aristocratiques et dont le salon était inabordable pour la bourgeoisie et pour les par-