Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/526

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Sur quoi, la Cour de justice criminelle et spéciale aura à décider si les nommés Herbomez, Hiley, Cibot, Grenier, Horeau, Cabot, Minard, Melin, Binet, Laravinière, Rousseau, femme Bryond, Léveillé, femme Bourget, Vauthier, Chaussard aîné, Pannier, veuve Lechantre, Mallet, tous ci-dessus dénommés et qualifiés, accusés présents, et les nommés Boislaurier, Dubut, Courceuil, Bruce, Chaussard cadet, Chargegrain, fille Godard, ces derniers absents et fugitifs, sont ou ne sont pas coupables des faits mentionnés dans le présent acte d’accusation.

Fait à Caen, au parquet, ce 1er décembre 180…

Signé : baron Bourlac.

Cette pièce judiciaire, beaucoup plus brève et impérieuse que ne le sont les actes d’accusation d’aujourd’hui, si minutieux, si complets sur les plus légères circonstances et surtout sur la vie antérieure au crime des accusés, agita profondément Godefroid. La sécheresse de cet acte, où la plume officielle narrait à l’encre rouge les détails principaux de l’affaire, fut pour son imagination une cause de travail. Les récits contenus, concis, sont pour certains esprits des textes où ils s’enfoncent en en parcourant les mystérieuses profondeurs.

Au milieu de la nuit, aidé par le silence, par les ténèbres, par la corrélation terrible que le bonhomme Alain venait de lui faire pressentir entre cet écrit et madame de La Chanterie, Godefroid appliqua toutes les forces de son intelligence à développer ce thème terrible.

Évidemment, ce nom de Lechantre devait être le nom patronymique des La Chanterie, à qui, sous la République et sous l’Empire, on avait sans doute retranché leur nom aristocratique.

Il entrevit les paysages où ce drame s’était accompli. Les figures des complices secondaires passèrent sous ses yeux. Il se dessina fantastiquement non pas le nommé Rifoël, mais un chevalier du Vissard, un jeune homme quasi semblable au Fergus de Walter Scott, enfin le jacobite français. Il développa le roman de la passion d’une jeune fille grossièrement trompée par l’infamie d’un mari (roman alors à la mode), et aimant un jeune chef en révolte contre l’empereur, donnant, comme Diana Vernon, à plein collier dans une conspiration, s’exaltant, et, une fois lancée sur cette