Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/529

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à la fois et la gloire de S. M. l’empereur Napoléon Ier et les vrais intérêts du pays, unis dans cette personne sacrée.

À l’âge de trente cinq ans, affectant la piété la plus sincère, professant un dévouement sans bornes aux intérêts du comte de Lille et un culte pour les insurgés qui dans l’Ouest ont trouvé la mort dans la lutte, déguisant avec habileté les restes d’une jeunesse épuisée, mais qui se recommandait par quelques dehors, et vivement protégé par le silence de ses créanciers, par une complaisance inouïe chez tous les ci-devant du pays, cet homme, vrai sépulcre blanchi, fut introduit, avec tant de titres à la considération, auprès de la dame Lechantre à qui l’on croyait une grande fortune.

On complota de faire épouser la fille unique de madame Lechantre, la jeune Henriette, à ce protégé des ci-devant.

Prêtres, ex-nobles, créanciers, chacun dans un intérêt différent, loyal chez les uns, cupide chez les autres, aveugle chez la plupart, tous enfin conspirèrent l’union de Bernard Bryond avec Henriette Lechantre.

Le bon sens du notaire chargé des affaires de madame Lechantre, et quelque défiance peut-être, furent cause de la perte de la jeune fille. Le sieur Chesnel, notaire d’Alençon, mit la terre de Saint-Savin, unique bien de la future épouse, sous le régime dotal, en en réservant l’habitation et une modique rente à la mère.

Les créanciers, qui supposaient à la dame Lechantre, à raison de son esprit d’ordre et d’économie, des capitaux considérables, furent déçus dans leurs espérances ; et tous, croyant à l’avarice de cette dame, firent des poursuites qui mirent à nu la situation précaire de Bryond.

Des dissidences graves éclatèrent alors entre les nouveaux époux, et elles donnèrent lieu à la jeune femme de connaître les mœurs dépravées, l’athéisme religieux et politique, dirai-je le mot ? l’infamie de l’homme auquel sa destinée avait été si fatalement unie. Bryond, forcé de mettre sa femme dans le secret des trames odieuses formées contre le gouvernement impérial, donne sa maison pour asile à Rifoël du Vissard.

Le caractère de Rifoël, aventureux, brave, généreux, exerçait sur tous ceux qui l’approchaient des séductions dont les preuves abondent dans les procès criminels jugés devant trois Cours spéciales criminelles.