Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 12.djvu/84

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Au moment où le Procureur-général se disait : — Camusot nous aura fait quelque sottise ! le juge d’instruction frappa deux coups à la porte du cabinet.

— Eh bien ! mon cher Camusot, comment va l’affaire dont je vous parlais ce matin ?

— Mal, monsieur le comte, lisez et jugez-en vous-même…

Il tendit les deux procès-verbaux des interrogatoires à monsieur de Grandville, qui prit son lorgnon et alla lire dans l’embrasure de la croisée. Ce fut une lecture rapide.

— Vous avez fait votre devoir, dit le procureur général d’une voix émue. Tout est dit, la justice aura son cours… Vous avez fait preuve de trop d’habileté pour qu’on se prive jamais d’un juge d’instruction tel que vous…

Monsieur de Grandville aurait dit à Camusot : — Vous resterez pendant toute votre vie juge d’instruction !… il n’aurait pas été plus explicite que dans sa phrase complimenteuse. Camusot eut froid dans les entrailles.

— Madame la duchesse de Maufrigneuse, à qui je dois beaucoup, m’avait prié…

— Ah ! la duchesse de Maufrigneuse, dit Grandville en interrompant le juge, c’est vrai… Vous n’avez cédé, je le vois, à aucune influence. Vous avez bien fait, monsieur, vous serez un grand magistrat.

En ce moment le comte Octave de Bauvan ouvrit sans frapper, et dit au comte de Grandville : — Mon cher, je t’amène une jolie femme qui ne savait où donner de la tête, elle allait se perdre dans notre labyrinthe…

Et le comte Octave tenait par la main la comtesse de Sérisy.

— Vous ici, madame, s’écria le procureur général en avançant son propre fauteuil, et dans quel moment !… Voici monsieur Camusot, madame, ajouta-t-il en montrant le juge. Bauvan, reprit-il en s’adressant à cet illustre orateur ministériel de la Restauration, attends-moi chez le premier président, il est encore chez lui. Je t’y rejoins.

Le comte Octave de Bauvan comprit que non seulement il était de trop, mais encore que le procureur général voulait avoir une raison de quitter son cabinet.

Madame de Sérisy n’avait pas commis la faute de venir au Palais