Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/162

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en quelques endroits, elles en sont à une portée de fusil, et garantissent contre les vents du nord une étroite vallée, profonde de cent toises, où le Nançon se partage en trois bras qui arrosent une prairie chargée de fabriques et délicieusement plantée.

Vers le sud, à l’endroit où finit la ville proprement dite, et où commence le faubourg Saint-Léonard, le rocher de Fougères fait un pli, s’adoucit, diminue de hauteur et tourne dans la grande vallée en suivant la rivière, qu’il serre ainsi contre les montagnes de Saint-Sulpice, en formant un col, d’où elle s’échappe en deux ruisseaux vers le Couësnon, où elle va se jeter. Ce joli groupe de collines rocailleuses est appelé le Nid-aux-crocs, la vallée qu’elles dessinent se nomme le val de Gibarry, et ses grasses prairies fournissent une grande partie du beurre connu des gourmets sous le nom de beurre de la Prée-Valaye.

À l’endroit où la Promenade aboutit aux fortifications s’élève une tour nommée la tour du Papegaut. À partir de cette construction carrée, sur laquelle était bâtie la maison où logeait mademoiselle de Verneuil, règne tantôt une muraille, tantôt le roc quand il offre des tables droites ; et la partie de la ville, assise sur cette haute base inexpugnable, décrit une vaste demi-lune, au bout de laquelle les roches s’inclinent et se creusent pour laisser passage au Nançon. Là, est située la porte qui mène au faubourg de Saint-Sulpice, dont le nom est commun à la porte et au faubourg. Puis, sur un mamelon de granit qui domine trois vallons dans lesquels se réunissent plusieurs routes, surgissent les vieux créneaux et les tours féodales du château de Fougères, l’une des plus immenses constructions faites par les ducs de Bretagne, murailles hautes de quinze toises, épaisses de quinze pieds ; fortifiée à l’est par un étang d’où sort le Nançon qui coule dans ses fossés et fait tourner des moulins entre la porte Saint-Sulpice et les ponts-levis de la forteresse ; défendue à l’ouest par la roideur des blocs de granit sur lesquels elle repose.

Ainsi, depuis la Promenade jusqu’à ce magnifique débris du Moyen Age, enveloppé de ses manteaux de lierre, paré de ses tours carrées ou rondes, où peut se loger dans chacune un régiment entier, le château, la ville et son rocher, protégés par des murailles à pans droits, ou par des escarpements taillés à pic, forment un vaste fer à cheval garni de précipices sur lesquels, à l’aide du temps, les Bretons ont tracé quelques étroits sentiers. Çà et là, des blocs s’avancent comme des ornements. Ici, les eaux suintent par des