Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/17

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et de broussailles, comme si ce Chouan eût fait une longue route à travers les halliers. Il lança un coup d’œil significatif à son adjudant Gérard, près duquel il se trouvait, lui serra fortement la main et dit à voix basse : — Nous sommes allés chercher de la laine, et nous allons revenir tondus.

Les officiers étonnés se regardèrent en silence.

Il convient de placer ici une digression pour faire partager les craintes du commandant Hulot à certaines personnes casanières habituées à douter de tout, parce qu’elles ne voient rien, et qui pourraient contredire l’existence de Marche-à-terre et des paysans de l’Ouest dont alors la conduite fut sublime.

Le mot gars, que l’on prononce , est un débris de la langue celtique, Il a passé du bas-breton dans le français, et ce mot est, de notre langage actuel, celui qui contient le plus de souvenirs antiques. Le gais était l’arme principale des Gaëls ou Gaulois ; gaisde signifiait armé ; gais, bravoure ; gas, force. Ces rapprochements prouvent la parenté du mot gars avec ces expressions de la langue de nos ancêtres. Ce mot a de l’analogie avec le mot latin vir, homme, racine de virtus, force, courage. Cette dissertation trouve son excuse dans sa nationalité ; puis, peut-être, servira-t-elle à réhabiliter, dans l’esprit de quelques personnes, les mots : gars, garçon, garçonnette, garce, garcette, généralement proscrits du discours comme mal séants, mais dont l’origine est si guerrière et qui se montreront çà et là dans le cours de cette histoire.— « C’est une fameuse garce ! » est un éloge peu compris que recueillit madame de Staël dans un petit canton de Vendômois où elle passa quelques jours d’exil. La Bretagne est, de toute la France, le pays où les mœurs gauloises ont laissé les plus fortes empreintes. Les parties de cette province où, de nos jours encore, la vie sauvage et l’esprit superstitieux de nos rudes aïeux sont restés, pour ainsi dire, flagrants, se nomment le pays des Gars. Lorsqu’un canton est habité par nombre de Sauvages semblables à celui qui vient de comparaître dans cette Scène, les gens de la contrée disent : Les Gars de telle paroisse ; et ce nom classique est comme une récompense de la fidélité avec laquelle ils s’efforcent de conserver les traditions du langage et des mœurs gaëliques ; aussi leur vie garde-t-elle de profonds vestiges des croyances et des pratiques superstitieuses des anciens temps. Là, les coutumes féodales sont encore respectées. Là, les antiquaires retrouvent debout les monuments des Druides.