Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/276

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le coup que je m’en vais lui porter ; d’ailleurs, la passion ne réfléchit jamais. Elle ne connaît pas l’écriture du marquis, voici donc le moment de tendre le piége dans lequel son caractère la fera donner tête baissée. Mais pour assurer le succès de ma ruse, Hulot m’est nécessaire, et je cours le voir.

En ce moment, mademoiselle de Verneuil et Francine délibéraient sur les moyens de soustraire le marquis à la douteuse générosité de Corentin et aux baïonnettes de Hulot.

— Je vais aller le prévenir, s’écriait la petite Bretonne.

— Folle, sais-tu donc où il est ? Moi-même, aidée par tout l’instinct du cœur, je pourrais bien le chercher longtemps sans le rencontrer.

Après avoir inventé bon nombre de ces projets insensés, si faciles à exécuter au coin du feu, mademoiselle de Verneuil s’écria : — Quand je le verrai, son danger m’inspirera.

Puis elle se plut, comme tous les esprits ardents, à ne vouloir prendre son parti qu’au dernier moment, se fiant à son étoile ou à cet instinct d’adresse qui abandonne rarement les femmes. Jamais peut-être son cœur n’avait subi de si fortes contractions. Tantôt elle restait comme stupide, les yeux fixes, et tantôt, au moindre bruit, elle tressaillait comme ces arbres presque déracinés que les bûcherons agitent fortement avec une corde pour en hâter la chute. Tout à coup une détonation violente, produite par la décharge d’une douzaine de fusils, retentit dans le lointain. Mademoiselle de Verneuil pâlit, saisit la main de Francine, et lui dit : — Je meurs, ils me l’ont tué.

Le pas pesant d’un soldat se fit entendre dans le salon. Francine épouvantée se leva et introduisit un caporal. Le Républicain, après avoir fait un salut militaire à mademoiselle de Verneuil, lui présenta des lettres dont le papier n’était pas très propre. Le soldat, ne recevant aucune réponse de la jeune fille, lui dit en se retirant : — Madame, c’est de la part du commandant.

Mademoiselle de Verneuil, en proie à de sinistres pressentiments, lisait une lettre écrite probablement à la hâte par Hulot.

« Mademoiselle, mes Contre-Chouans viennent de s’emparer d’un des messagers du Gars qui vient d’être fusillé. Parmi les lettres interceptées, celle que je vous transmets peut vous être de quelque utilité, etc. »