Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/318

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grosse cuiller en bois pour puiser de l’eau, un seau et des poteries pour le lait, un rouet sur la huche, quelques clayons à fromage, des murs noirs, une porte vermoulue ayant une imposte à claire-voie ; tels étaient la décoration et le mobilier de cette pauvre demeure. Maintenant, voici le drame auquel assista l’officier, qui s’amusait à fouetter le sol avec sa cravache sans se douter que là se déroulerait un drame. Quand la vieille femme, suivie de son Benjamin teigneux, eut disparu par une porte qui donnait dans sa laiterie, les quatre enfants, après avoir suffisamment examiné le militaire, commencèrent par se délivrer du pourceau. L’animal, avec lequel ils jouaient habituellement, était venu sur le seuil de la porte ; les marmots se ruèrent sur lui si vigoureusement et lui appliquèrent des gifles si caractéristiques, qu’il fut forcé de faire prompte retraite. L’ennemi dehors, les enfants attaquèrent une porte dont le loquet, cédant à leurs efforts, s’échappa de la gâche usée qui le retenait ; puis ils se jetèrent dans une espèce de fruitier où le commandant, que cette scène amusait, les vit bientôt occupés à ronger des pruneaux secs. La vieille au visage de parchemin et aux guenilles sales rentra dans ce moment, en tenant à la main un pot de lait pour son hôte. — Ah ! les vauriens, dit-elle. Elle alla vers les enfants, empoigna chacun d’eux par le bras, le jeta dans la chambre, mais sans lui ôter ses pruneaux, et ferma soigneusement la porte de son grenier d’abondance. — Là, là, mes mignons, soyez donc sages. — Si l’on n’y prenait garde, ils mangeraient le tas de prunes, les enragés ! dit-elle en regardant Genestas. Puis elle s’assit sur une escabelle, prit le teigneux entre ses jambes, et se mit à le peigner en lui lavant la tête avec une dextérité féminine et des attentions maternelles. Les quatre petits voleurs restaient, les uns debout, les autres accotés contre le lit ou la huche, tous morveux et sales, bien portants d’ailleurs, grugeant leurs prunes sans rien dire, mais regardant l’étranger d’un air sournois et narquois.

— C’est vos enfants ? demanda le soldat à la vieille.

— Faites excuse, monsieur, c’est les enfants de l’hospice. On me donne trois francs par mois et une livre de savon pour chacun d’eux.

— Mais, ma bonne femme, ils doivent vous coûter deux fois plus.

— Monsieur, voilà bien ce que nous dit monsieur Benassis ; mais si d’autres prennent les enfants au même prix, faut bien en passer par là. N’en a pas qui veut des enfants ! On a encore besoin de la