Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/365

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places. Le lit, en fer grossièrement verni, surmonté d’une flèche de bois d’où tombaient deux rideaux de calicot gris, et aux pieds duquel était un méchant tapis étroit qui montrait la corde, ressemblait à un lit d’hôpital. Au chevet se trouvait une de ces tables de nuit à quatre pieds dont le devant se roule et se déroule en faisant un bruit de castagnettes. Trois chaises, deux fauteuils de paille, une commode en noyer sur laquelle étaient une cuvette et un pot à eau fort antique dont le couvercle tenait au vase par un enchâssement de plomb, complétaient cet ameublement. Le foyer de la cheminée était froid, et toutes les choses nécessaires pour se faire la barbe traînaient sur la pierre peinte du chambranle devant un vieux miroir accroché par un bout de corde. Le carreau proprement balayé, se trouvait en plusieurs endroits usé, cassé, creusé. Des rideaux de calicot gris bordés de franges vertes ornaient les deux fenêtres. Tout, jusqu’à la table ronde sur laquelle erraient quelques papiers, une écritoire et des plumes, tout, dans ce tableau simple auquel l’extrême propreté maintenue par Jacquotte imprimait une sorte de correction, donnait l’idée d’une vie quasi monacale, indifférente aux choses et pleine de sentiments. Une porte ouverte laissa voir au commandant un cabinet où le médecin se tenait sans doute fort rarement. Cette pièce était dans un état à peu près semblable à celui de la chambre. Quelques livres poudreux y gisaient épars sur des planches poudreuses, et des rayons chargés de bouteilles étiquetées faisaient deviner que la Pharmacie y occupait plus de place que la Science.

— Vous allez me demander pourquoi cette différence entre votre chambre et la mienne, reprit Benassis. Écoutez, j’ai toujours eu honte pour ceux qui logent leurs hôtes sous des toits, en leur donnant de ces miroirs qui défigurent à tel point qu’en s’y regardant on peut se croire ou plus petit ou plus grand que nature, ou malade, ou frappé d’apoplexie. Ne doit-on pas s’efforcer de faire trouver à ses amis leur appartement passager le plus agréable possible ? L’hospitalité me semble tout à la fois une vertu, un bonheur et un luxe, mais, sous quelque aspect que vous la considériez, sans excepter le cas où elle est une spéculation, ne faut-il pas déployer pour son hôte et pour son ami toutes les chatteries, toutes les câlineries de la vie ? Chez vous donc, les beaux meubles, le chaud tapis, les draperies, la pendule, les flambeaux et la veilleuse, à vous la bougie, à vous les soins de Jacquotte, qui vous a sans doute apporté des pantoufles