Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/376

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— Cette oraison funèbre, dit Benassis en dirigeant Genestas vers les communs de la ferme, va durer jusqu’au moment où le corps sera mis dans le cercueil, et pendant tout le temps le discours de cette femme éplorée croîtra en violence et en images. Mais pour parler ainsi devant cette imposante assemblée, il faut qu’une femme en ait acquis le droit par une vie sans tache. Si la veuve avait la moindre faute à se reprocher, elle n’oserait pas dire un seul mot ; autrement, ce serait se condamner elle-même, être à la fois l’accusateur et le juge. Cette coutume qui sert à juger le mort et le vivant n’est-elle pas sublime ? Le deuil ne sera pris que huit jours après, en assemblée générale. Pendant cette semaine la famille restera près des enfants et de la veuve pour les aider à ranger leurs affaires et pour les consoler. Cette assemblée exerce une grande influence sur les esprits, elle réprime les passions mauvaises par ce respect humain qui saisit les hommes quand ils sont en présence les uns des autres. Enfin le jour de la prise du deuil, il se fait un repas solennel où tous les parents se disent adieu. Tout cela est grave, et celui qui manquerait aux devoirs qu’impose la mort d’un chef de famille n’aurait personne à son Chant.

En ce moment le médecin, se trouvant près de l’étable, en ouvrit la porte et fit entrer le commandant pour la lui montrer. — Voyez-vous, capitaine, toutes nos étables ont été rebâties sur ce modèle. N’est-ce pas superbe ?

Genestas ne put s’empêcher d’admirer ce vaste local, où les vaches et les bœufs étaient rangés sur deux lignes, la queue tournée vers les murs latéraux et la tête vers le milieu de l’étable, dans laquelle ils entraient par une ruelle assez large pratiquée entre eux et la muraille, leurs crèches à jour laissaient voir leurs têtes encornées et leurs yeux brillants. Le maître pouvait ainsi facilement passer son bétail en revue. Le fourrage placé dans la charpente où l’on avait ménagé une espèce de plancher, tombait dans les râteliers, sans effort ni perte. Entre les deux lignes de crèches se trouvait un grand espace pavé, propre et aéré par des courants d’air.

— Pendant l’hiver, dit Benassis en se promenant avec Genestas dans le milieu de l’étable, la veillée et les travaux se font en commun ici. L’on dresse des tables, et tout le monde se chauffe ainsi à bon marché. Les bergeries sont également bâties d’après ce système. Vous ne sauriez croire combien les bêtes s’accoutument facile-