Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/392

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sans inquiétude, faites ce que je vous ai recommandé de faire, elle est sauvée.

— Si tout cela vous ennuyait, dit ensuite le médecin au militaire en remontant à cheval, je pourrais vous mettre dans le chemin du bourg, et vous retourneriez.

— Non, par ma foi, je ne m’ennuie pas.

— Mais vous verrez partout des chaumières qui se ressemblent, rien n’est en apparence, plus monotone que la campagne.

— Marchons, dit le militaire.

Pendant quelques heures, ils coururent ainsi dans le pays, traversèrent le canton dans sa largeur, et, vers le soir, ils revinrent dans la partie qui avoisinait le bourg.

— Il faut que j’aille maintenant là-bas, dit le médecin à Genestas en lui montrant un endroit où s’élevaient des ormes. Ces arbres ont peut-être deux cents ans, ajouta-t-il. Là demeure cette femme pour laquelle un garçon est venu me chercher hier au moment de dîner, en me disant qu’elle était devenue blanche.

— Était-ce dangereux ?

— Non, dit Benassis, effet de grossesse. Cette femme est à son dernier mois. Souvent dans cette période quelques femmes éprouvent des spasmes. Mais il faut toujours, par précaution, que j’aille voir s’il n’est rien survenu d’alarmant ; j’accoucherai moi-même cette femme. D’ailleurs je vous montrerai là l’une de nos industries nouvelles, une briqueterie. Le chemin est beau, voulez-vous galoper ?

— Votre bête me suivra-t-elle ? dit Genestas en criant à son cheval : Haut, Neptune !

En un clin d’œil l’officier fut emporté à cent pas, et disparut dans un tourbillon de poussière ; mais malgré la vitesse de son cheval, il entendit toujours le médecin à ses côtés. Benassis dit un mot à sa monture, et devança le commandant qui ne le rejoignit qu’à la briqueterie, au moment où le médecin attachait tranquillement son cheval au pivot d’un échalier.

— Que le diable vous emporte ! s’écria Genestas en regardant le cheval qui ne suait ni ne soufflait. Quelle bête avez-vous donc là ?

— Ha ! répondit en riant le médecin, vous l’avez prise pour une rosse. Pour le moment, l’histoire de ce bel animal nous prendrait trop de temps, qu’il vous suffise de savoir que Roustan est un vrai barbe venu de l’Atlas. Un cheval barbe vaut un cheval arabe. Le mien