Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/397

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ses affaires pour pouvoir rester au logis pendant mes couches, le cher homme !

— Allons, mes enfants, prospérez ! Continuez à faire fortune et à faire le monde.

Genestas était plein d’admiration pour la propreté qui régnait dans l’intérieur de cette maison presque ruinée. En voyant l’étonnement de l’officier, Benassis lui dit : — Il n’y a que madame Vigneau pour savoir approprier ainsi un ménage ! Je voudrais que plusieurs gens du bourg vinssent prendre des leçons ici.

La femme du tuilier détourna la tête en rougissant ; mais les deux mères laissèrent éclater sur leurs physionomies tout le plaisir que leur causaient les éloges du médecin, et toutes trois l’accompagnèrent jusqu’à l’endroit où étaient les chevaux.

— Eh ! bien, dit Benassis en s’adressant aux deux vieilles, vous voilà bien heureuses ! Ne vouliez-vous pas être grands’mères ?

— Ah ! ne m’en parlez pas, dit la jeune femme, ils me font enrager. Mes deux mères veulent un garçon, mon mari désire une petite fille, je crois qu’il me sera bien difficile de les contenter tous.

— Mais vous, que voulez-vous ? dit en riant Benassis.

— Ah ! moi, monsieur, je veux un enfant.

— Voyez, elle est déjà mère, dit le médecin à l’officier en prenant son cheval par la bride.

— Adieu, monsieur Benassis, dit la jeune femme. Mon mari sera bien désolé de ne pas avoir été ici, quand il saura que vous y êtes venu.

— Il n’a pas oublié de m’envoyer mon millier de tuiles à la Grange-aux-Belles ?

— Vous savez bien qu’il laisserait toutes les commandes du Canton pour vous servir. Allez, son plus grand regret est de prendre votre argent ; mais je lui dit que vos écus portent bonheur, et c’est vrai.

— Au revoir, dit Benassis.

Les trois femmes, le charretier et les deux ouvriers sortis des ateliers pour voir le médecin restèrent groupés autour de l’échalier qui servait de porte à la tuilerie, afin de jouir de sa présence jusqu’au dernier moment, ainsi que chacun le fait pour les personnes chères. Les inspirations du cœur ne doivent-elles pas être partout uniformes ? aussi les douces coutumes de l’amitié sont-elles naturellement suivies en tout pays.