Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/442

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fourrer pour être à leur aise, les pelote très-bien, leur chippe quelquefois des dix mille hommes d’un seul coup en vous les entourant de quinze cents Français qu’il faisait foisonner à sa manière. Enfin, leur prend leurs canons, vivres, argent, munitions, tout ce qu’ils avaient de bon à prendre, vous les jette à l’eau, les bat sur les montagnes, les mord dans l’air, les dévore sur terre, les fouaille partout. Voilà des troupes qui se remplument ; parce que, voyez-vous, l’empereur, qu’était aussi un homme d’esprit, se fait bien venir de l’habitant, auquel il dit qu’il est arrivé pour le délivrer. Pour lors, le péquin nous loge et nous chérit, les femmes aussi, qu’étaient des femmes très-judicieuses. Fin finale, en ventôse 96, qu’était dans ce temps-là le mois de mars d’aujourd’hui, nous étions acculés dans un coin du pays des marmottes ; mais après la campagne, nous voilà maîtres de l’Italie, comme Napoléon l’avait prédit. Et au mois de mars suivant, en une seule année et deux campagnes, il nous met en vue de Vienne : tout était brossé. Nous avions mangé trois armées successivement différentes, et dégommé quatre généraux autrichiens, dont un vieux qu’avait les cheveux bancs, et qui a été cuit comme un rat dans les paillassons, à Mantoue. Les rois demandaient grâce à genoux ! La paix était conquise. Un homme aurait-il pu faire cela ? Non. Dieu l’aidait, c’est sûr. Il se subdivisionnait comme les cinq pains de l’Évangile, commandait la bataille le jour, la préparait la nuit, que les sentinelles le voyaient toujours allant et venant, et ne dormait ni ne mangeait. Pour lors, reconnaissant ces prodiges, le soldat te l’adopte pour son père. Et en avant ! Les autres, à Paris, voyant cela, se disent ; « Voilà un pèlerin qui paraît prendre ses mots d’ordre dans le ciel, il est singulièrement capable de mettre la main sur la France ; faut le lâcher sur l’Asie ou sur l’Amérique, il s’en contentera peut-être ! » Ça était écrit pour lui comme pour Jésus-Christ. Le fait est qu’on lui donne ordre de faire faction en Égypte. Voilà sa ressemblance avec le fils de Dieu. Ce n’est pas tout. Il rassemble ses meilleurs lapins, ceux qu’il avait particulièrement endiablés, et leur dit comme ça : « Mes amis, pour le quart d’heure, on nous donne l’Égypte à chiquer. Mais nous l’avalerons en un temps et deux mouvements, comme nous avons fait de l’Italie. Les simples soldats seront des princes qui auront des terres à eux. En avant ! » En avant ! les enfants, disent les sergents. Et l’on arrive à Toulon, route d’Égypte. Pour lors, les Anglais avaient tous leurs vaisseaux en mer. Mais quand nous nous