Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/493

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— Je ne suis point de Plutarque, répondit Genestas, je suis indigne de vous, et je me battrais. Je devais vous avouer tout bonnement mon secret. Mais non ! J’ai bien fait de prendre un masque et de venir moi-même chercher ici des renseignements sur vous. Je sais maintenant que je dois me taire. Si j’avais agi franchement, je vous eusse fait de la peine. Dieu me préserve de vous causer le moindre chagrin !

— Mais je ne vous comprends pas, commandant.

— Restons-en là. Je ne suis pas malade, j’ai passé une bonne journée, et je m’en irai demain. Quand vous viendrez à Grenoble, vous y trouverez un ami de plus, et ce n’est pas un ami pour rire. La bourse, le sabre, le sang, tout est à vous chez Pierre-Joseph Genestas. Après tout, vous avez semé vos paroles dans un bon terrain. Quand j’aurai ma retraite, j’irai dans une manière de trou, j’en serai le maire, et tâcherai de vous imiter. S’il me manque votre science, j’étudierai.

— Vous avez raison, monsieur, le propriétaire qui emploie son temps à corriger un simple vice d’exploitation dans une commune fait à son pays autant de bien que peut en faire le meilleur médecin : si l’un soulage les douleurs de quelques hommes, l’autre panse les plaies de la patrie. Mais vous excitez singulièrement ma curiosité. Puis-je donc vous être utile en quelque chose ?

— Utile, dit le commandant d’une voix émue. Mon Dieu ! mon cher monsieur Benassis, le service que je venais vous prier de me rendre est presque impossible. Tenez, j’ai bien tué des chrétiens dans ma vie, mais on peut tuer les gens et avoir un bon cœur ; aussi, quelque rude que je paraisse, sais-je encore comprendre certaines choses.

— Mais parlez ?

— Non, je ne veux pas vous causer volontairement de la peine.

— Oh ! commandant, je puis beaucoup souffrir.

— Monsieur, dit le militaire en tremblant, il s’agit de la vie d’un enfant.

Le front de Benassis se plissa soudain, mais il fit un geste pour prier Genestas de continuer.

— Un enfant, reprit le commandant, qui peut encore être sauvé par des soins constants et minutieux. Où trouver un médecin capable de se consacrer à un seul malade ? à coup sûr, il n’était pas dans une ville. J’avais entendu parler de vous comme d’un excel-