Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/502

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La figure de Genestas semblait s’éclairer de plus en plus, à chaque parole du médecin.

— Allons déjeuner. La Fosseuse est impatiente de vous voir, dit Benassis en donnant une petite tape sur les joues d’Adrien.

— Il n’est donc pas poitrinaire ? demanda Genestas au médecin en le prenant par le bras et l’entraînant à l’écart.

— Pas plus que vous ni moi.

— Mais qu’a-t-il ?

— Bah ! répondit Benassis, il est dans un mauvais moment, voilà tout.

La Fosseuse se montra sur le seuil de sa porte, et Genestas n’en vit pas sans surprise la mise à la fois simple et coquette. Ce n’était plus la paysanne de la veille, mais une élégante et gracieuse femme de Paris qui lui jeta des regards contre lesquels il se trouva faible. Le soldat détourna les yeux sur une table de noyer sans nappe, mais si bien cirée, qu’elle semblait avoir été vernie, et où étaient des œufs, du beurre, un pâté, des fraises de montagne qui embaumaient. Partout la pauvre fille avait mis des fleurs qui faisaient voir que pour elle ce jour était une fête. À cet aspect, le commandant ne put s’empêcher d’envier cette simple maison et cette pelouse, il regarda la paysanne d’un air qui exprimait à la fois des espérances et des doutes ; puis il reporta ses yeux sur Adrien, à qui la Fosseuse servait des œufs, en s’occupant de lui par maintien.

— Commandant, dit Benassis, vous savez à quel prix vous recevez ici l’hospitalité. Vous devez conter à ma Fosseuse quelque chose de militaire.

— Il faut d’abord laisser monsieur déjeuner tranquillement, mais après qu’il aura pris son café…

— Certes je le veux bien, répondit le commandant ; néanmoins je mets une condition à mon récit, vous nous direz une aventure de votre ancienne existence.

— Mais, monsieur, répondit-elle en rougissant, il ne m’est jamais rien arrivé qui vaille la peine d’être raconté. — Voulez-vous encore un peu de ce pâté au riz, mon petit ami, dit-elle en voyant l’assiette d’Adrien vide.

— Oui, mademoiselle.

— Il est délicieux, ce pâté, dit Genestas.

— Que direz-vous donc de son café à la crème, s’écria Benassis.