Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/557

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sans doute initiée le matin à bien des douleurs, qu’elle pénétrait en des sentines où les vices épouvantaient par leur naïveté ; souvent le Substitut, devenu bientôt Avocat-général la gronda de quelque bienfait inintelligent que, dans les secrets de ses instructions correctionnelles, la Justice avait trouvé comme un encouragement à des crimes ébauchés. « — Vous faut-il de l’argent pour quelques-uns de vos pauvres ? lui disait alors le vieux Grossetête en lui prenant la main, je serai complice de vos bienfaits. — Il est impossible de rendre tout le monde riche ! » répondait-elle en poussant un soupir. Au commencement de cette année, arriva l’événement qui devait changer entièrement la vie intérieure de Véronique, et métamorphoser la magnifique expression de sa physionomie, pour en faire d’ailleurs un portrait mille fois plus intéressant aux yeux des peintres. Assez inquiet de sa santé, Graslin ne voulut plus, au grand désespoir de sa femme, habiter son rez-de-chaussée, il remonta dans l’appartement conjugal où il se fit soigner. Ce fut bientôt une nouvelle à Limoges que l’état de madame Graslin, elle était grosse ; sa tristesse, mélangée de joie, occupa ses amis qui devinèrent alors que, malgré ses vertus, elle s’était trouvée heureuse de vivre séparée de son mari. Peut-être avait-elle espéré de meilleures destinées, depuis le jour où l’Avocat-général lui fit la cour ; car il avait déjà refusé d’épouser la plus riche héritière du Limousin. Dès lors les profonds politiques qui faisaient entre deux parties de whist la police des sentiments et des fortunes, avaient soupçonné le magistrat et la jeune femme de fonder sur l’état maladif du banquier des espérances presque ruinées par cet événement. Les troubles profonds qui marquèrent cette période de la vie de Véronique, les inquiétudes qu’un premier accouchement cause aux femmes, et qui, dit-on, offre des dangers alors qu’il arrive après la première jeunesse, rendirent ses amis plus attentifs auprès d’elle ; chacun d’eux déploya mille petits soins qui lui prouvèrent combien leurs affections étaient vives et solides.


CHAPITRE II.

TASCHERON


Dans cette même année, Limoges eut le terrible spectacle et le