Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/585

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l’on élève ces célèbres chevaux limousins, qui furent, dit-on, un legs des Arabes quand ils descendirent des Pyrénées en France, pour expirer entre Poitiers et Tours sous la hache des Francs que commandait Charles Martel. L’aspect des hauteurs avait de la sécheresse. Des places brûlées, rougeâtres, ardentes indiquaient la terre aride où se plaît le châtaignier. Les eaux, soigneusement appliquées aux irrigations, ne vivifiaient que les prairies bordées de châtaigniers, entourées de haies où croissait cette herbe fine et rare, courte et quasi sucrée qui produit cette race de chevaux fiers et délicats, sans grande résistance à la fatigue, mais brillants, excellents aux lieux où ils naissent, et sujets à changer par leur transplantation. Quelques mûriers récemment apportés indiquaient l’intention de cultiver la soie. Comme la plupart des villages du monde, Montégnac n’avait qu’une seule rue, par où passait la route. Mais il y avait un haut et un bas Montégnac, divisés chacun par des ruelles tombant à angle droit sur la rue. Une rangée de maisons assises sur la croupe de la colline, présentait le gai spectacle de jardins étagés ; leur entrée sur la rue nécessitait plusieurs degrés ; les unes avaient leurs escaliers en terre, d’autres en cailloux, et, de ci de là, quelques vieilles femmes, assises filant ou gardant les enfants, animaient la scène, entretenaient la conversation entre le haut et le bas Montégnac en se parlant à travers la rue ordinairement paisible, et se renvoyaient assez rapidement les nouvelles d’un bout à l’autre du bourg. Les jardins, pleins d’arbres fruitiers, de choux, d’oignons, de légumes, avaient tous des ruches le long de leurs terrasses. Puis une autre rangée de maisons à jardins inclinés sur la rivière, dont le cours était marqué par de magnifiques chènevières et par ceux d’entre les arbres fruitiers qui aiment les terres humides, s’étendait parallèlement ; quelques-unes, comme celle de la poste, se trouvaient dans un creux et favorisaient ainsi l’industrie de quelques tisserands ; presque toutes étaient ombragées par des noyers, l’arbre des terres fortes. De ce côté, dans le bout opposé à celui de la grande plaine, était une habitation plus vaste et plus soignée que les autres, autour de laquelle se groupaient d’autres maisons également bien tenues. Ce hameau, séparé du bourg par ses jardins, s’appelait déjà Les Tascherons, nom qu’il conserve aujourd’hui. La Commune était peu de chose par elle-même ; mais il en dépendait une trentaine de métairies éparses. Dans la vallée, vers la rivière, quelques traînes semblables