de prendre pour mari, lui baisa la main avec une vive expression de regret, le nouvel évêque remarqua le mouvement étrange par lequel le noir de la prunelle envahissait dans les yeux de Véronique le bleu qui, cette fois, fut réduit à n’être qu’un léger cercle. L’œil annonçait évidemment une violente résolution intérieure.
— Je ne le verrai donc plus ! dit-elle à l’oreille de sa mère qui reçut cette confidence sans que son vieux visage révélât le moindre sentiment.
La Sauviat était en ce moment observée par Grossetête qui se trouvait devant elle ; mais, malgré sa finesse, l’ancien banquier ne put deviner la haine que Véronique avait conçue contre ce magistrat, néanmoins reçu chez elle. En ce genre, les gens d’Église possèdent une perspicacité plus étendue que celle des autres hommes ; aussi l’évêque étonna-t-il Véronique par un regard de prêtre.
— Vous ne regretterez rien à Limoges ? dit monseigneur à madame Graslin.
— Vous le quittez, lui répondit-elle. Et monsieur n’y reviendra plus que rarement, ajouta-t-elle en souriant à Grossetête qui lui faisait ses adieux.
L’évêque conduisait Véronique jusqu’à Montégnac.
— Je devais cheminer en deuil sur cette route, dit-elle à l’oreille de sa mère en montant à pied la côte de Saint-Léonard.
La vieille, au visage âpre et ride, se mit un doigt sur les lèvres en montrant l’évêque qui regardait l’enfant avec une terrible attention. Ce geste, mais surtout le regard lumineux du prélat, causa comme un frémissement à madame Graslin. À l’aspect des vastes plaines qui étendent leurs nappes grises en avant de Montégnac, les yeux de Véronique perdirent de leur feu, elle fut prise de mélancolie. Elle aperçut alors le curé qui venait à sa rencontre et le fit monter dans la voiture.
— Voilà vos domaines, madame, lui dit monsieur Bonnet en montrant la plaine inculte.
CHAPITRE IV.
MADAME GRASLIN À MONTÉGNAC.
En quelques instants, le bourg de Montégnac et sa colline où les constructions neuves frappaient les regards, apparurent dorées