Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/643

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— Personne ne sait ce qu’elle est devenue.

— Bah ! dit Colorat, cette jeunesse s’est crue perdue ! elle a eu peur de rester dans le pays ! Elle est allée à Paris. Et qu’y fait-elle ? Voilà le hic. La chercher là, c’est vouloir trouver une bille dans les cailloux de cette plaine !

Colorat montrait la plaine de Montégnac du haut de la rampe par laquelle montait alors madame Graslin, qui n’était plus qu’à quelques pas de la grille du château. La Sauviat inquiète, Aline, les gens attendaient là, ne sachant que penser d’une si longue absence.

— Eh ! bien, dit la Sauviat en aidant sa fille à descendre de cheval, tu dois être horriblement fatiguée.

— Non, ma mère, dit madame Graslin d’une voix si altérée, que la Sauviat regarda sa fille et vit alors qu’elle avait beaucoup pleuré.

Madame Graslin rentra chez elle avec Aline, qui avait ses ordres pour tout ce qui concernait sa vie intérieure, elle s’enferma chez elle sans y admettre sa mère ; et quand la Sauviat voulut y venir, Aline dit à la vieille Auvergnate : « — Madame est endormie. »

Le lendemain Véronique partit à cheval accompagnée de Maurice seulement. Pour se rendre rapidement à la Roche-Vive, elle prit le chemin par lequel elle en était revenue la veille. En montant par le fond de la gorge qui séparait ce pic de la dernière colline de la forêt, car vue de la plaine, la Roche-Vive semblait isolée. Véronique dit à Maurice de lui indiquer la maison de Farrabesche et de l’attendre en gardant les chevaux ; elle voulut aller seule : Maurice la conduisit donc vers un sentier qui descend sur le versant de la Roche-Vive, opposé à celui de la plaine, et lui montra le toit en chaume d’une habitation presque perdue à moitié de cette montagne, et au bas de laquelle s’étendent des pépinières. Il était alors environ midi. Une fumée légère qui sortait de la cheminée indiquait la maison auprès de laquelle Véronique arriva bientôt ; mais elle ne se montra pas tout d’abord. À l’aspect de cette modeste demeure assise au milieu d’un jardin entouré d’une haie en épines sèches, elle resta pendant quelques instants perdue en des pensées qui ne furent connues que d’elle. Au bas du jardin serpentent quelques arpents de prairies encloses d’une haie vive, et où, çà et là, s’étalent les têtes aplaties des pommiers, des poiriers et de pruniers. Au-dessus de la maison, vers le haut de la montagne où le terrain devient sablonneux, s’élèvent les cimes jaunies d’une superbe