Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/649

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parc ; enfin toutes les eaux de ces collines y tombent et font un déluge. Heureusement pour vous, les arbres retiennent les terres, l’eau glisse sur les feuilles, qui sont, en automne, comme un tapis de toile cirée ; sans cela, le terrain s’exhausserait au fond de ce vallon, mais la pente est aussi bien rapide, et je ne sais pas si des terres entraînées y resteraient.

— Où vont les eaux ? demanda madame Graslin devenue attentive.

Farrabesche montra la gorge étroite qui semblait fermer ce vallon au-dessous de sa maison : — Elles se répandent sur un plateau crayeux qui sépare le Limousin de la Corrèze, et y séjournent en flaques vertes pendant plusieurs mois, elles se perdent dans les pores du sol, mais lentement. Aussi personne n’habite-t-il cette plaine insalubre où rien ne peut venir. Aucun bétail ne veut manger les joncs ni les roseaux qui viennent dans ces eaux saumâtres. Cette vaste lande, qui a peut-être trois mille arpents, sert de communaux à trois communes ; mais il en est comme de la plaine de Montégnac, on n’en peut rien faire. Encore, chez vous, y a-t-il du sable et un peu de terre dans vos cailloux ; mais là c’est le tuf tout pur.

— Envoyez chercher les chevaux, je veux aller voir tout ceci par moi-même.

Benjamin partit après que madame Graslin lui eut indiqué l’endroit où se tenait Maurice.

— Vous qui connaissez, m’a-t-on dit, les moindres particularités de ce pays, reprit madame Graslin, expliquez-moi pourquoi les versants de ma forêt qui regardent la plaine de Montégnac n’y jettent aucun cours d’eau, pas le plus léger torrent, ni dans les pluies, ni à la fonte des neiges ?

— Ah ! madame, dit Farrabesche, monsieur le curé, qui s’occupe tant de la prospérité de Montégnac en a deviné la raison, sans en avoir la preuve. Depuis que vous êtes arrivée, il m’a fait relever de place en place le chemin des eaux dans chaque ravine, dans tous les vallons. Je revenais hier du bas de la Roche-Vive, où j’avais examiné les mouvements du terrain, au moment où j’ai eu l’honneur de vous rencontrer. J’avais entendu le pas des chevaux et j’ai voulu savoir qui venait par ici. Monsieur Bonnet n’est pas seulement un saint, madame, c’est un savant. « Farrabesche, m’a-t-il dit, — je travaillais alors au chemin que la Commune achevait pour