Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/680

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— Nous tâcherons de ne pas vous faire changer d’avis, dit en souriant madame Graslin.

— Voici, dit Grossetête à Véronique en la prenant à part, des papiers que le Procureur-général m’a remis ; il a été fort étonné que vous ne vous soyez pas adressée à lui. Tout ce que vous avez demandé s’est fait avec promptitude et dévouement. D’abord, votre protégé sera rétabli dans tous ses droits de citoyen ; puis, d’ici à trois mois, Catherine Curieux vous sera envoyée.

— Où est-elle ! demanda Véronique.

— À l’hôpital Saint-Louis, répondit le vieillard. On attend sa guérison pour lui faire quitter Paris.

— Ah ! la pauvre fille est malade !

— Vous trouverez ici tous les renseignements désirables, dit Grossetête en remettant un paquet à Véronique.

Elle revint vers ses hôtes pour les emmener dans la magnifique salle à manger du rez-de-chaussée où elle alla, conduite par Grossetête et Gérard auxquels elle donna le bras. Elle servit elle-même le dîner sans y prendre part. Depuis son arrivée à Montégnac, elle s’était fait une loi de prendre ses repas seule, et Aline, qui connaissait le secret de cette réserve, le garda religieusement jusqu’au jour où sa maîtresse fut en danger de mort.

Le maire, le juge de paix et le médecin de Montégnac avaient été naturellement invités.

Le médecin, jeune homme de vingt-sept ans, nommé Roubaud, désirait vivement connaître la femme célèbre du Limousin. Le curé fut d’autant plus heureux d’introduire ce jeune homme au château, qu’il souhaitait composer une espèce de société à Véronique, afin de la distraire et de donner des aliments à son esprit. Roubaud était un de ces jeunes médecins absolument instruits, comme il en sort actuellement de l’École de Médecine de Paris et qui, certes, aurait pu briller sur le vaste théâtre de la capitale ; mais, effrayé du jeu des ambitions à Paris, se sentant d’ailleurs plus de savoir que d’intrigue, plus d’aptitude que d’avidité, son caractère doux l’avait ramené sur le théâtre étroit de la province, où il espérait être apprécié plus promptement qu’à Paris. À Limoges, Roubaud se heurta contre des habitudes prises et des clientèles inébranlables ; il se laissa donc gagner par monsieur Bonnet, qui, sur sa physionomie douce et prévenante, le jugea comme un de ceux qui devaient lui appartenir et coopérer à son œuvre. Petit et